2008-02-03

 

Montréal en 2108

Du 24 janvier au 8 mars, la Galerie d'architecture Monopoli (aussi associée à l'expo itinérante Archi-Fictions) ouvre ses portes à l'exposition « 16 Beautés étranges : L'Architecture de Montréal en 2108 ». Ce sont les étudiants de l'atelier OUPROPO 2007 (l'ouvroir de projets potentiels, à rapprocher de l'OULIPO), avec l'appui du professeur Jean-Pierre Chupin et du Laboratoire d'étude de l'architecture potentielle de l'Université de Montréal, qui ont imaginé des édifices et constructions susceptibles d'apparaître dans le paysage urbain de Montréal en 2108. L'exposition tient en trois volets que le visiteur doit obligatoirement réunir pour se faire une idée des idées mises de l'avant. D'abord, il y a le guide de l'exposition, qui offre de courts résumés des concepts de chaque projet. Ensuite, il y a le plateau au centre du local (photo ci-contre), sur lequel on a dessiné la carte d'un métro futur et disposé des maquettes plus ou moins fidèles aux concepts correspondants. Certaines maquettes sont des modèles plutôt schématiques, mais elles permettent de se faire une idée plus précise de la conception de l'artiste que les illustrations du guide. Enfin, une série de panneaux suspendus le long des baies vitrées reprennent certaines illustrations ou les enrichissent, reprennent certains résumés ou les altèrent du tout ou tout.

En guise d'exemple ou d'échantillon, je prends « La Domestication des ondes » de Jordi Dupuis-Carbonneau. Sur la carte du futur métro montréalais (qui a pris de l'expansion), l'édifice est associé à la station 0-Ondes qui a remplacé la station Côte-des-Neiges dans mon quartier. Le guide le décrit ainsi : « Au début du siècle dernier, vers les années 2012, la multiplication des réseaux communicationnels conjuguée à l'intrication des différentes couches informationnelles, ont rapidement fait de Montréal un territoire assiégé par les ondes. Face à cette perte de contrôle par l'homme d'une technologie qu'il avait lui-même développée, les experts de l'époque ont conçu le Canal Unique d'information, autour duquel une communauté exclusivement virtuelle s'est développée dans un équilibre remarquable. On peut aujourd'hui visiter librement cet ouvrage suspendu au-dessus des tours d'habitation du Mont-Royal. On admirera, en particulier, la flexibilité de sa coque multicouche et la finesse de ses câbles tenseurs. » Dans la maquette ci-contre, je crois qu'il faut comprendre que le Canal Unique est le tronçon de câble dont on voit le bout au centre de l'image. De haut en bas, les cubes représentent des appartements ou studios pour les branchés... C'est le projet qui rend l'hommage le plus prononcé à la civilisation actuelle du virtuel. La plupart des autres trahissent des espoirs d'évasion ou des replis sur soi.

Un des plus optimistes, envers et contre tout, a pour nom « Panser les plaies », de Jean-Benoît Tremblay, et il est associé à la station Snowdon, à deux pas donc de l'autoroute Décarie... Le guide présente l'édifice ainsi : « Pour comprendre ces grandes tours drapées de longs tapis de verdure jetés sur les anciennes structures du XXe siècle, pour apprécier l'origine aujourd'hui un peu oubliée, de ces tours filtrantes construites sur les anciennes autoroutes du XXIe siècle, il faut se souvenir que nous sommes passés d'organismes parasitaires à organismes symbiotiques. Pour ce faire, nous avons érigé de nouveaux types de bâtiments, générateurs d'énergie et de vie aux propriétés d'interaction tel que le filtrage de l'air, l'utilisation ingénieuse des vents dominants, les échanges thermiques avec le sol, l'air et l'eau, le contrôle et l'optimisation du rayonnement solaire, la photosynthèse, la réception et le stockage de l'énergie électrique et lumineuse. Les Montréalais apprécient beaucoup ce qui est devenu une promenade urbaine très prisée, mais il faut rappeler au visiteur que sous cette épaisse couche d'humus et de paysage se cache un étonnant système de filtration de l'air vicié provenant de l'autoroute et des quartiers avoisinants. » C'est sans doute un des projets les plus écologiques, tandis que d'autres cherchent surtout à isoler les habitants d'environnements hostiles. C'est le cas des « Communautés telluriques » d'Alexandre Massé, enfouies dans le sol de zones désertifiées, ou du « Projet Sarcophage » de Sylvain Lévesque, qui a pour but « de protéger ses habitants contre les conditions terrestres que l'on connaît aujourd'hui » et qui déploie des panneaux photovoltaïques « à base de chloroplasme d'épinard ».

D'autres commentateurs ont déjà souligné le pessimisme de certaines visions du futur. Le « Quartier souterrain fortifié » est un refuge qui prend la forme d'un grand bunker enterré. L'O.M.C.A. (Old Men's City-center Association) accueille les retraités. La « Nécronée » est un cimetière en hauteur. Le « Square Necropolis » qui a remplacé le Square Phillips recouvre un cimetière spécial pour les « victimes de l'épidémie de l'influenza mutation-59 ». Et « La Clinique des Métamorph » permet de modifier les corps dont on n'est pas content. L'espoir s'investit plutôt dans la mobilité des « maisons bulles» ou des quartiers mobiles du « Centre-ville magnétique ».

Quoique disparate, l'exposition laisse transparaître des points communs et des lignes de force. Outre l'annonce de désastres divers, l'accent est mis sur la densification de Montréal au moyen de projets en hauteur ou de projets s'insérant dans la trame urbaine trop lâche de la banlieue. Pour l'instant, on n'en prend que très faiblement la direction, hélas !

Libellés : ,


Comments: Publier un commentaire

<< Home

This page is powered by Blogger. Isn't yours?