2008-02-10
La fécondité des cousins
Dans un Globe and Mail de la semaine dernière, on annonçait la découverte de Kari Stefansson et de ses collaborateurs qui travaillent sur la population islandaise. Selon leurs résultats pour les parents nés entre 1800 et 1965, les conjoints qui sont des cousins apparentés au cinquième ou sixième degré (third cousins et fourth cousins en anglais) ont plus d'enfants et de petits-enfants que les autres. Ainsi, les femmes nées en 1925 et 1949 qui avaient épousé un parent au cinquième degré avaient eu en moyenne 3,27 enfants et 6,64 petits-enfants, tandis que celles dont le conjoint était un parent au dixième degré (ou plus) avaient eu 2,45 enfants et 4,86 petits-enfants en moyenne. La différence est suffisamment significative pour exiger une explication. Stefansson semble croire que ce degré de parenté serait optimal parce qu'il tiendrait le juste milieu entre les incompatibilités génétiques toujours possibles quand les conjoints sont issus de populations différentes et les risques accrus de maux congénitaux quand la consanguinité est trop élevée.
Tout de suite, un Canadien-français peut se demander si ceci aurait joué dans l'évolution de la population canadienne-française, issue d'un peuplement de dix mille individus environ, puisque les mariages consanguins auraient fini par être inévitables. En 1992, Marcelle Émond s'était penchée sur la question sans trouver de lien entre la consanguinité et la fécondité, mais sans examiner les degrés de parenté plus éloignés. En revanche, Pierre Philippe avait observé en 1973 à l'Isle-aux-Coudres que plus le degré de consanguinité de la population était élevé, plus la fécondité était élevée, mais ses données ne lui avaient pas permis d'isoler les unions responsables pour cet état de fait. Il citait toutefois un travail de Schull paru en allemand en 1970, qui correspond sans doute à cet article de 1973 sur une population insulaire japonaise.
Stefansson n'a pas écarté tous les facteurs sociaux ou comportementaux qui pourraient expliquer l'effet que son équipe a décelé, mais admettons qu'il ait découvert quelque chose de réel. Les conséquences seraient multiples. Stefansson lui-même évoque la possibilité d'un ralentissement futur de la croissance démographique mondiale maintenant que des populations issues de villages et de régions auparavant autarciques aboutissent dans les grandes villes de la planète, multipliant les mariages entre personnes au dernier ancêtre commun très reculé (comme dans le cas des parents de Barack Obama). Notre compréhension du passé changerait aussi. Ainsi, avant l'époque moderne, les villes européennes connaissaient souvent un déficit de natalité qui n'était compensé que par l'apport régulier de personnes originaires de la campagne. En général, on attribue cette mortalité excessive aux conditions insalubres des villes médiévales, mais se pourrait-il que la natalité insuffisante s'expliquerait (en partie) par le nombre de mariages entre des individus d'origines hétérogènes qui aurait été plus élevé que dans les villages et campagnes plus ou moins endogames? Pareillement, l'urbanisation moderne née de l'exode rural est associée à une transition démographique que l'on explique d'habitude par des choix et des modes de vie différents. Mais une natalité réduite par les mariages plus nombreux entre personnes étrangères les unes aux autres pourrait avoir joué un rôle également dans ce changement... Du coup, on peut classer cette nouvelle parmi celles qui inclinent à l'optimisme.
Tout de suite, un Canadien-français peut se demander si ceci aurait joué dans l'évolution de la population canadienne-française, issue d'un peuplement de dix mille individus environ, puisque les mariages consanguins auraient fini par être inévitables. En 1992, Marcelle Émond s'était penchée sur la question sans trouver de lien entre la consanguinité et la fécondité, mais sans examiner les degrés de parenté plus éloignés. En revanche, Pierre Philippe avait observé en 1973 à l'Isle-aux-Coudres que plus le degré de consanguinité de la population était élevé, plus la fécondité était élevée, mais ses données ne lui avaient pas permis d'isoler les unions responsables pour cet état de fait. Il citait toutefois un travail de Schull paru en allemand en 1970, qui correspond sans doute à cet article de 1973 sur une population insulaire japonaise.
Stefansson n'a pas écarté tous les facteurs sociaux ou comportementaux qui pourraient expliquer l'effet que son équipe a décelé, mais admettons qu'il ait découvert quelque chose de réel. Les conséquences seraient multiples. Stefansson lui-même évoque la possibilité d'un ralentissement futur de la croissance démographique mondiale maintenant que des populations issues de villages et de régions auparavant autarciques aboutissent dans les grandes villes de la planète, multipliant les mariages entre personnes au dernier ancêtre commun très reculé (comme dans le cas des parents de Barack Obama). Notre compréhension du passé changerait aussi. Ainsi, avant l'époque moderne, les villes européennes connaissaient souvent un déficit de natalité qui n'était compensé que par l'apport régulier de personnes originaires de la campagne. En général, on attribue cette mortalité excessive aux conditions insalubres des villes médiévales, mais se pourrait-il que la natalité insuffisante s'expliquerait (en partie) par le nombre de mariages entre des individus d'origines hétérogènes qui aurait été plus élevé que dans les villages et campagnes plus ou moins endogames? Pareillement, l'urbanisation moderne née de l'exode rural est associée à une transition démographique que l'on explique d'habitude par des choix et des modes de vie différents. Mais une natalité réduite par les mariages plus nombreux entre personnes étrangères les unes aux autres pourrait avoir joué un rôle également dans ce changement... Du coup, on peut classer cette nouvelle parmi celles qui inclinent à l'optimisme.