2007-12-04

 

La rengaine de Charles

Je me demande bien pourquoi les médias s'obstinent à solliciter des entrevues de Charles Castonguay quand sort un nouveau rapport de Statistique Canada sur les communautés linguistiques au pays. Ce serait tellement plus simple de refaire jouer l'enregistrement de ses interventions il y a cinq ans, dix ans, quinze ans, vingt ans...

L'entrevue de ce midi à Radio-Canada était sans doute aussi alarmiste que d'habitude. Il me semble même avoir entendu Castonguay affirmer que la chute de la proportion québécoise de francophones sous la barre des 80%, c'était le début de la fin et que ce chiffre ne pouvait plus se redresser (quand il expliquait que la proportion des Canadiens qui ont l'anglais pour langue maternelle remonterait quand l'assimilation des immigrants ferait son œuvre, mais que la part de ceux qui ont le français pour langue maternelle ne remonterait pas — même au Québec?).

S'il connaît si bien l'avenir, j'espère qu'il n'hésite pas à s'acheter des billets de loterie chaque semaine. J'ai un doute cependant... En 1871, la proportion des francophones au Québec était de 78% environ. Elle a dû remonter depuis, puisqu'on fait grand cas de la baisse qui nous rapproche (sans l'atteindre) du niveau de 1871. À ma connaissance, il n'y a pas de loi naturelle gouvernant l'évolution de ces choses. (La proportion d'anglophones au Québec était fort réduite avant 1759...) Si les circonstances changent, la tendance pourrait changer.

L'assimilation des francophones hors-Québec, qui sert régulièrement d'épouvantail aux souverainistes, devrait commencer à susciter quelques doutes, que le porte-parole de Statistique Canada exprimait d'ailleurs, même si Charles Castonguay est trop intelligent pour admettre des nuances quand il est si sûr de détenir la vérité. En fait, même si l'assimilation existe, l'immigration francophone dans les autres provinces du pays existe aussi. Et la survivance n'a pas toujours dit son dernier mot. Ce serait à Windsor, en 1969, que René Lévesque aurait dit que les francophones hors-Québec étaient des « dead ducks ». Cela n'a jamais été oublié, mais c'est lui qui est mort depuis tandis que le français est toujours parlé, de Victoria à Chéticamp.

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Comments:
Je suis loin d'être un fan de M. Castonguay mais s'il répète la même chose depuis 30 ans c'est que la situation du français au Canada est sur la même pente descendante. Sans lunettes roses il est bien difficile de comprendre les chiffres du recensement de Statistiques Canada et d'en tirer des conclusions positives. Les francophones s'assimilent à l'anglais à un rythme similaire à celui des immigrants dans le Canada hors-Québec. C'est cela la réalité. René Lévesque a peut-être manqué de tact en 1969 mais il avait raison. Parait-il qu'il savait aussi qu'il allait mourir un jour.
 
Les données brutes pour plus que les deux-trois derniers recensements semblent difficiles à obtenir en-ligne, mais je vais me pencher là-dessus.

En attendant, si je reviens sur la dernière marotte de notre homme, c-à-d les revenus supérieurs des immigrants unilingues anglophones au Québec, on peut sans doute relativiser en jetant un coup d'oeil à ce tableau. De 2002 à 2006, le nombre d'immigrants au Québec ayant l'anglais comme langue maternelle est passé de 895 à 1528. Là-dessus, combien étaient unilingues?

Évidemment, on emploie sans doute ici la définition québécoise d'unilingue, c-à-d qui ne parle qu'une des langues officielles du pays, même s'il ou elle en parle deux ou trois autres... Auquel cas il faut plutôt se tourner vers les données (.PDF) sur l'immigration au Québec. Même alors, la proportion des « unilingues anglophones » parmi les immigrants est de l'ordre de 15 à 20%. Ce n'est pas exactement une déferlante, surtout que l'on ne connaît que la langue officielle parlée au moment de l'admission.

Or, si notre homme dispose de données reliant la réussite professionnelle et l'unilinguisme, il s'agit présumément de données en temps réel. Du coup, on n'échappe plus à l'effet de sélection : si on trouve ensuite des immigrants unilingues anglophones gagnant plus d'argent que les immigrants unilingues francophones, ce pourrait-il que ce soit parce que les principaux emplois n'exigeant pas de connaissance du français au Québec sont les emplois relevant de l'économie nationale ou internationale, qui risquent d'être bien payés, tandis que la gamme des emplois ouverts aux unilingues francophones est plus grande, mais inclut aussi plus de petites jobines? Les autres immigrants anglophones auraient appris le français pour s'intégrer à l'économie « provinciale », disparaissant ainsi des statistiques.

Si c'était le cas, cela ne nous dirait pas grand-chose sur le niveau de francisation de l'économie québécoise. Les postes en question ne seraient pas fermés aux francophones bilingues, mais ils ne seraient pas non plus « francisables », à moins de se couper de l'économie du reste du continent ou de la planète.
 
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