2007-11-05

 

Vitesse et stupidité

Une fois, j'ai failli faire pleurer un policier. C'était au temps de l'affaire Dutroux et j'étais en voyage dans le Massif central. Prenant une bière après le repas dans le jardin d'une auberge avec un groupe de randonneurs qui étaient policiers dans le civil, si je puis dire, j'avais fini par apprendre qu'ils étaient belges et la conversation avait bientôt évoqué le sort des victimes de Dutroux...

Ces jours-ci, c'est le sort de Bianca Leduc qui émeut, abattue par la voiture d'un chauffard de dix-huit ans qui faisait la course (au volant d'une voiture qu'il savait à peine conduire) avec son grand copain de dix-sept ans. On peut parler de chauffard puisqu'il semble avoir combiné tous les facteurs de risque : dépassant la limite de vitesse et conduisant alors qu'il n'avait pas le droit de conduire seul, il brûle un stop à toute allure. On ne fait guère plus imbécile au volant, mais ce n'est pas tous les jours que cela coûte la vie à une fillette de trois ans.

Sauf que... On peut se demander s'il y a une culture de la vitesse dans cette région. C'est en février de cette année qu'il y avait eu quatre morts dans un accident de la route près du canal de Soulanges. Quatre jeunes hommes dans la vingtaine... À l'époque, les policiers soupçonnaient que la vitesse était en cause, même si la route était glacée. L'enquête du coroner devait tirer la chose au clair. À mon avis, après l'accident de l'Île-Perrot, c'est toute la région qui devrait se poser des questions.

Ce que je note aussi, c'est qu'une recherche rapide ne semble pas trouver d'article en-ligne rapprochant les courses de rue dans le genre de celle qui opposait les deux jeunes conducteurs de l'Île-Perrot et la popularité de films comme Taxi 2, Tokyo Drift... ou le succès québécois de l'été dernier, Nitro. Interdit de toucher à la culture populaire? Interdit de toucher au culte du char?

Comme je le relevais en avril dernier, le Québec n'était pas encore préoccupé par le street racing tandis que l'Ontario légiférait. Oserais-je parier que les choses vont changer maintenant?

Libellés : , ,


Comments:
Tu as parfaitement raison, Jean-Louis.
Étrangement, quand des gens tirent sur les innocents, on n'hésite pas à pointer le cinéma et la musique comme responsables, mais jamais on ne pointe la culture populaire lorsque la vitesse des véhicules est en jeu.
J'ajouterais à ta liste de films les nombreuses publicités de voitures où tout l'attrait du véhicule vendu est lié à sa puissance et sa vitesse potentielle. Je n'ai jamais compris que l'on tolère ce genre de publicités qui incitent carréement à rouler de plus en plus vite pour vivre des émotions fortes.
Hugues
 
Est-ce qu'on a déjà fait une étude empirique sérieuse prouvant un lien entre la violence, la vitesse et les films? Est-on allé vérifié auprès des responsables d'accidents de ce genre leur perception des choses et confirmé qu'ils sont grandement influencés par les films et la pub? Le sens commun et des années de médias nous disent en effet qu'il y a un lien (et même que c'est le seul facteur responsable) mais je me suis toujours demandé si on avait tenté de le vérifier expérimentalement. Vous avez vu de quoi là-dessus?
 
Pour Hugo : j'ai remarqué que certains médias québécois ont mis en cause les réclames des compagnies qui mettent en scène des voitures filant à toute allure sur la grand-route (et non en train de faire du sur-place dans les bouchons de la circulation urbaine, tiens!). Mais je n'ai pas trouvé, vu ou entendu de commentaires spécifiques sur un film comme Nitro. Il me semble qu'on s'en prend plus facilement dans le contexte québécois aux grosses compagnies étrangères assoiffées de profits qu'à des choses aussi sympathiques que des films d'été...

Pour Philippe-Aubert : comme il n'y a pas beaucoup de données récentes ou rigoureuses, tant au Canada qu'aux États-Unis (.PDF), les commentaires sur le sujet demeurent encore anecdotiques. Même si on avait commencé à recueillir des statistiques rigoureuses récemment (alors que la sociologie même des courses de rue en fait quelque chose de clandestin et d'assez facile à nier après-coup), ce serait assez difficile de mesurer l'impact de tels films si on ne peut pas comparer les statistiques récentes à des données anciennes.

Quant aux liens entre la violence et la télévision, ils semblent confirmés par de nombreuses études qui décèlent non un effet général sur tous, mais des effets particuliers sur certains groupes, comme les jeunes garçons.

Pour ce qui est de la vitesse et des films dont je parle, il est bien possible que les courses de rue et les films en question ne soient que des symptômes d'une culture plus large, qui valorise la vitesse, la puissance technologique et le défi des risques. Mais j'ai du mal à croire que de tels phénomènes puissent exister en silo. Il y a toujours eu des courses automobiles dans les médias, même clandestines, comme on le voyait dans Grease en 1978. Mais les courses de rue en pleine circulation, c'est quelque chose qui apparaît plus récemment, même si cela s'est sans doute nourri de la longue tradition de chasses-poursuites en auto dans les films, bédés, etc.

L'augmentation du nombre de courses de rues — et du nombre de victimes — pourrait sans doute être attribuée au plus grand nombre de jeunes conducteurs, mais je me demande si c'est bien vrai. La population du Canada vieillit. Si le nombre absolu de jeunes augmente encore un peu, est-ce dans des propotions suffisantes pour expliquer une montée en flèche des courses en pleine rue?

Bref, sans dire qu'il n'y aurait pas de courses de rue si des films comme Taxi 2 n'existaient pas, je crois qu'on peut légitimement se demander s'ils jouent un rôle dans l'accroissement de l'incidence de ces courses et des morts qu'elles entraînent.
 
Publier un commentaire

<< Home

This page is powered by Blogger. Isn't yours?