2007-08-02
Reconstruire
L'effondrement du pont de Minneapolis rassurera peut-être un tout petit peu les Québécois s'il les convainc qu'ils sont logés à la même enseigne que le reste de l'Amérique du Nord en ce qui concerne le vieillissement des infrastructures. (Est-ce bien une consolation?) Lors de l'effondrement du viaduc de la Concorde à Laval, j'avais envisagé que la corrosion et l'usure aient pu jouer un rôle dans son effondrement, mais les travaux de la commission Johnson par la suite avaient plutôt mis en lumière les déficiences de la construction (une armature incorrectement posée) et de la gestion subséquente (les travaux par le ministère n'avaient rien révélé).
Toutefois, le rapport (.PDF) des experts de la commission soumis le mois dernier affirme que le béton du viaduc lavallois était de piètre qualité et qu'il était donc particulièrement exposé à l'action des sels fondants utilisés l'hiver. Il attribue l'effondrement à quatre facteurs, dont les trois premiers ont eu une influence directe et prépondérante dans l'effondrement :
« — l'approche choisie par le concepteur pour ancrer les tirants en U #8 dans la partie supérieure du porte-à-faux;
— la mauvaise disposition, lors de la construction, des aciers d'armature dans une zone perturbée et très sollicitée du porte-à-faux,
— la mise en place d'un béton n'ayant pas les caractéristiques suffisantes pour résister aux cycles de gel-dégel en présence de sels fondants,
— la procédure incorrecte de remplacement du joint de dilatation. »
Le rapport principal (.PDF) du MTQ fait aussi de l'usure du béton une des trois principales causes de l'effondrement : « La dégradation du béton a été causée par l'eau chargée de saumure provenant de la chaussée qui s'est infiltrée dans des fissures qui, au cours des ans, ont progressé sous l'action du gel et du dégel et, dans une moindre mesure, par d'autres facteurs. ». Ben tiens...
Le procès-verbal (.PDF) de la réunion préparatoire des experts du 26 juin dresse la liste des points qui font consensus, dont je note le tout dernier : « Les traces d'efflorescence sont un signe qu'il y a de l'eau qui circule dans les fissures. » C'est-à-dire que l'apparition à la surface du béton de taches correspondant à la cristallisation des sels dissous dans l'eau traversant les pores du béton prouve ipso facto la présence d'eau salée dans les espaces intérieurs du béton... Bref, malgré tout ce qu'on a pu entendre, les caractéristiques cosmétiques d'un ouvrage en béton sont révélatrices de son état interne.
Les conclusions des experts ont conduit à des conséquences immédiates pour la circulation sur les ponts et viaducs du Québec. Le MTQ a limité la circulation de poids lourds sur 135 structures (.PDF) de sa compétence. La ville de Montréal a annoncé des restrictions additionnelles sur plusieurs ponts ou viaducs, dont ceux du chemin de la Côte-des-Neiges à l'entrée du parc du Mont-Royal, où il y a raccordement au chemin Remembrance. Dans la nuit de mardi à mercredi, en revenant d'avoir vu le film des Simpsons (fort bon), j'en ai profité pour prendre quelques photos de ces viaducs à risque. Après tout, quand je prends l'autobus pour revenir du centre-ville, je passe nécessairement par ces deux structures..Or, l'état du béton ou de ses armatures n'est guère rassurant, vu de près. Le béton de l'extrémité de cette poutrelle s'est entièrement désagrégé, exposant l'armature corrodée.
Une autre photo de la tranche du tablier révèle une désagrégation semblable du béton, sauf que l'armature semble encore plus corrodée, puisque le béton environnant est lui-même imprégné de rouille. On pourrait se demander s'il s'agit de fenêtres d'observation destructives pratiquées par des ingénieurs, et non pas du résultat de l'éclatement du béton, mais j'ose espérer que des ingénieurs du MTQ auraient fait le ménage. Or, comme le sol est jonché d'éclats de béton, j'ai tendance à croire que c'est bel et bien le résultat du processus de détérioration qui est à l'œuvre... Je me demande aussi si la dégradation qui s'observe serait attribuable au fait que les bords du tablier et des poutrelles transversales sont plus particulièrement exposés à la sloche hivernale et aux changements de température, ce qui permettrait de faire confiance à la solidité du tablier... Maintenant que j'ai lu les rapports de la commission Johnson, en tout cas, je serais tenté de retourner sur place pour voir si on distingue le même genre de fissure qu'on retrouvait dans la dalle du viaduc de la Concorde.
En attendant, aux États-Unis comme au Canada, le défi de la reconstruction d'infrastructures vieilles de quarante ans va continuer à se poser avec une urgence grandissante.
Toutefois, le rapport (.PDF) des experts de la commission soumis le mois dernier affirme que le béton du viaduc lavallois était de piètre qualité et qu'il était donc particulièrement exposé à l'action des sels fondants utilisés l'hiver. Il attribue l'effondrement à quatre facteurs, dont les trois premiers ont eu une influence directe et prépondérante dans l'effondrement :
« — l'approche choisie par le concepteur pour ancrer les tirants en U #8 dans la partie supérieure du porte-à-faux;
— la mauvaise disposition, lors de la construction, des aciers d'armature dans une zone perturbée et très sollicitée du porte-à-faux,
— la mise en place d'un béton n'ayant pas les caractéristiques suffisantes pour résister aux cycles de gel-dégel en présence de sels fondants,
— la procédure incorrecte de remplacement du joint de dilatation. »
Le rapport principal (.PDF) du MTQ fait aussi de l'usure du béton une des trois principales causes de l'effondrement : « La dégradation du béton a été causée par l'eau chargée de saumure provenant de la chaussée qui s'est infiltrée dans des fissures qui, au cours des ans, ont progressé sous l'action du gel et du dégel et, dans une moindre mesure, par d'autres facteurs. ». Ben tiens...
Le procès-verbal (.PDF) de la réunion préparatoire des experts du 26 juin dresse la liste des points qui font consensus, dont je note le tout dernier : « Les traces d'efflorescence sont un signe qu'il y a de l'eau qui circule dans les fissures. » C'est-à-dire que l'apparition à la surface du béton de taches correspondant à la cristallisation des sels dissous dans l'eau traversant les pores du béton prouve ipso facto la présence d'eau salée dans les espaces intérieurs du béton... Bref, malgré tout ce qu'on a pu entendre, les caractéristiques cosmétiques d'un ouvrage en béton sont révélatrices de son état interne.
Les conclusions des experts ont conduit à des conséquences immédiates pour la circulation sur les ponts et viaducs du Québec. Le MTQ a limité la circulation de poids lourds sur 135 structures (.PDF) de sa compétence. La ville de Montréal a annoncé des restrictions additionnelles sur plusieurs ponts ou viaducs, dont ceux du chemin de la Côte-des-Neiges à l'entrée du parc du Mont-Royal, où il y a raccordement au chemin Remembrance. Dans la nuit de mardi à mercredi, en revenant d'avoir vu le film des Simpsons (fort bon), j'en ai profité pour prendre quelques photos de ces viaducs à risque. Après tout, quand je prends l'autobus pour revenir du centre-ville, je passe nécessairement par ces deux structures..Or, l'état du béton ou de ses armatures n'est guère rassurant, vu de près. Le béton de l'extrémité de cette poutrelle s'est entièrement désagrégé, exposant l'armature corrodée.
Une autre photo de la tranche du tablier révèle une désagrégation semblable du béton, sauf que l'armature semble encore plus corrodée, puisque le béton environnant est lui-même imprégné de rouille. On pourrait se demander s'il s'agit de fenêtres d'observation destructives pratiquées par des ingénieurs, et non pas du résultat de l'éclatement du béton, mais j'ose espérer que des ingénieurs du MTQ auraient fait le ménage. Or, comme le sol est jonché d'éclats de béton, j'ai tendance à croire que c'est bel et bien le résultat du processus de détérioration qui est à l'œuvre... Je me demande aussi si la dégradation qui s'observe serait attribuable au fait que les bords du tablier et des poutrelles transversales sont plus particulièrement exposés à la sloche hivernale et aux changements de température, ce qui permettrait de faire confiance à la solidité du tablier... Maintenant que j'ai lu les rapports de la commission Johnson, en tout cas, je serais tenté de retourner sur place pour voir si on distingue le même genre de fissure qu'on retrouvait dans la dalle du viaduc de la Concorde.
En attendant, aux États-Unis comme au Canada, le défi de la reconstruction d'infrastructures vieilles de quarante ans va continuer à se poser avec une urgence grandissante.
Libellés : Québec, Structures