2007-06-15
Quand la vie est ailleurs
Synchronicité... Dans le Globe and Mail d'hier paraissait un article émouvant et assez fin de Gail McLaren sur son père, anglophone canadien d'un certain âge qui toute sa vie avait vécu à Paris par l'intermédiaire de la littérature, de Dickens à Hemingway. Elle racontait comment son père avait fait le voyage une seule fois, en compagnie de sa fille, et comment il expliquait dans une lettre ultérieure que ses lectures l'avaient prédisposé à vivre Paris non seulement comme un nouveau décor visuel, comme un spectacle pour la vue, mais aussi comme un réseau de souvenirs, d'associations et d'anticipations. Il n'était jamais retourné à Paris, mais sa visite avait été une expérience profondément émouvante et d'une richesse presque excessive. (Cela peut se comparer à l'expérience de voyage d'un Henri-Raymond Casgrain qui, au XIXe siècle, multiplie les pèlerinages (.PDF) en des terres déjà balisées par des auteurs et des voyageurs antérieurs.)
Et je suis allé hier soir assister à une conférence de Bernard Saladin d'Anglure, professeur émérite de l'Université Laval, ancien disciple de Claude Lévi-Strauss et anthropologue étudiant la culture inuit depuis des décennies. Cela se passait à Ottawa, rue MacLaren...
Le conférencier a discuté de l'envers de ce genre de projection sur d'autres lieux de ce qui devrait constituer notre vie propre. Les télécommunications sont une malédiction quand les voyages ne sont pas aussi faciles que les transferts d'informations. Au Québec, passe encore que le Plateau devienne l'Omphalos de la culture branchée, car, dans le sud de la province, si on croit que la vie réelle est à Montréal, on peut s'y rendre assez facilement. Et on constatera alors, qui sait, que la vie sur le Plateau n'est pas automatiquement plus excitante que la vie à Rimouski.
En revanche, chez les Inuit du Grand Nord, les télécommunications présentent à longueur de journée tout ce qui fait la vie dans le sud, mais il est tellement difficile d'aller voir pour soi-même afin d'en épuiser les charmes que la vie dans le Grand Nord prend les traits d'une peine de prison. Si le père de Gail McLaren avait fait de Paris son jardin secret, le martèlement médiatique ferait du Sud fantasmé un véritable tourment transformant la vie dans les communautés isolées par la distance en une existence carcérale... Autrefois, la vie dans le Grand Nord était autrement plus dure, mais sans moyen de comparer, les Inuit s'en accommodaient.
Maintenant, il y a même internet, dont les jeunes se servent pour socialiser; Bebo.com serait un des sites préférés de la jeunesse du Nunavik. Internet s'ajoutant à la télévision, l'acculturation est d'autant plus rapide. Mais si cette génération finit par épuiser les attraits des ailleurs, à force d'interactivité et de consommation télévisuelle, sera-t-elle alors libre de s'intéresser à sa propre culture?
Et je suis allé hier soir assister à une conférence de Bernard Saladin d'Anglure, professeur émérite de l'Université Laval, ancien disciple de Claude Lévi-Strauss et anthropologue étudiant la culture inuit depuis des décennies. Cela se passait à Ottawa, rue MacLaren...
Le conférencier a discuté de l'envers de ce genre de projection sur d'autres lieux de ce qui devrait constituer notre vie propre. Les télécommunications sont une malédiction quand les voyages ne sont pas aussi faciles que les transferts d'informations. Au Québec, passe encore que le Plateau devienne l'Omphalos de la culture branchée, car, dans le sud de la province, si on croit que la vie réelle est à Montréal, on peut s'y rendre assez facilement. Et on constatera alors, qui sait, que la vie sur le Plateau n'est pas automatiquement plus excitante que la vie à Rimouski.
En revanche, chez les Inuit du Grand Nord, les télécommunications présentent à longueur de journée tout ce qui fait la vie dans le sud, mais il est tellement difficile d'aller voir pour soi-même afin d'en épuiser les charmes que la vie dans le Grand Nord prend les traits d'une peine de prison. Si le père de Gail McLaren avait fait de Paris son jardin secret, le martèlement médiatique ferait du Sud fantasmé un véritable tourment transformant la vie dans les communautés isolées par la distance en une existence carcérale... Autrefois, la vie dans le Grand Nord était autrement plus dure, mais sans moyen de comparer, les Inuit s'en accommodaient.
Maintenant, il y a même internet, dont les jeunes se servent pour socialiser; Bebo.com serait un des sites préférés de la jeunesse du Nunavik. Internet s'ajoutant à la télévision, l'acculturation est d'autant plus rapide. Mais si cette génération finit par épuiser les attraits des ailleurs, à force d'interactivité et de consommation télévisuelle, sera-t-elle alors libre de s'intéresser à sa propre culture?
Libellés : Anthropologie, Réflexion, Voyages