2007-05-30

 

Option Canada

Le Québec est en train de se payer une nouvelle ronde de prospection de son nombril collectif, le tout mené par les membres d'une certaine génération qui ne se fatigue pas d'avoir tout raté, d'un référendum à l'autre, de reculs économiques en reculs démographiques. L'affaire Option Canada avait été lancée il y a un moment; le rapport Grenier la remet sur le tapis.

Sur ce blogue, je privilégie les choses qu'on ne dit pas ou qu'on n'entend pas. Pour tout le reste, il y a les grands médias et l'essentiel de la blogosphère.

D'abord, j'observe que les indépendantistes s'en donnent à cœur joie parce que la balance, en 1995, a penché du côté du statu quo. La marge était si serrée qu'on peut incriminer n'importe quoi comme facteur responsable de la défaite. L'argent et des votes ethniques, par exemple. Les votes des militaires ou des citoyens de fraîche date. Ou les dépenses non comptabilisées d'Option Canada... Mais je me demande toujours si les plus réalistes parmi ceux qui ont voté oui ne sont pas soulagés de ne pas avoir eu à se lancer dans la marche à l'indépendance — de se jeter dans la cage à homards de Parizeau — avec un résultat également serré, mais dans l'autre sens. Si le statu quo nous vaut autant de récriminations, qu'est-ce que ce serait s'il avait fallu que ce soit l'indépendance, avec tous ses bouleversements? Imaginez un peu où nous en serions... Alors, franchement, on a du mal à prendre au sérieux Robin Philpot et consorts en vierges offensées. Réclament-ils sérieusement qu'on invalide le résultat du référendum en 1995 et qu'on fasse l'indépendance? Ce serait pourtant l'aboutissement logique de la démonstration, mais, bien sûr que non, il ne s'agit en réalité que d'une opération de basse politique, pour salir l'adversaire et marquer des points.

Ensuite, sur le principe, je trouve qu'il faudrait admettre que la loi québécoise trouve sa limite dans le cas précis d'un référendum menant à l'indépendance. La loi québécoise sur le contrôle des dépenses pendant les élections et les référendums est parfaitement fondée dans le cas d'élections provinciales et de référendums portant sur des enjeux provinciaux. Mais l'indépendance du Québec est un enjeu qui implique tout le Canada. Ce sont des millions de Canadiens qui seraient séparés des leurs par une frontière ou un État étranger en cas d'indépendance. Alors, si des compagnies aériennes permettent à des Canadiens de se rendre à Montréal pour une grande manifestation à prix réduit, cela doit-il être réellement compté dans les dépenses des deux camps québécois?

En cas de référendum engageant l'avenir du Canada tout entier, la loi référendaire est une absurdité (ou une trouvaille fort ingénieuse) parce qu'elle pose comme acquise l'existence distincte du Québec qui est précisément en cause. Bref, qui s'attarde un moment sur cette situation dont les règles avaient été fixées et étaient appliquées par une administration et un gouvernement contrôlés par une seule des parties en lice doit finir par admettre que c'était loin d'être idéalement démocratique. En 1995 comme aujourd'hui, je pense qu'un autre référendum québécois sur la question souverainiste ne devrait pas se passer sans la présence d'observateurs internationaux. L'affaire Option Canada confirme que ni les uns ni les autres n'ont prouvé qu'ils seraient capables de se plier aux règles sans une supervision extérieure.

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Comments:
Vous écrivez: "Si le statu quo nous vaut autant de récriminations, qu'est-ce que ce serait s'il avait fallu que ce soit l'indépendance, avec tous ses bouleversements?"

Amalgame contestable. Absence de variables permettant d'établir une corrélation entre les deux énoncés. :-)
 
C'est effectivement un scénario contrafactuel, comme on les appelle.

Néanmoins, il existe un certain nombre d'indications qu'il n'aurait pas été plus facile de faire passer le résultat opposé, en particulier si Jacques Parizeau avait appliqué son plan qui lui donnait toute latitude pour juger quand Ottawa refusait de négocier et proclamer l'indépendance unilatérale.

D'abord, rappelons que Jean Chrétien ne s'était pas engagé à respecter nécessairement un référendum remporté par un vote de 50% et des poussières. Qu'il ait été ou non en mesure de donner suite, car il aurait sans doute été obligé de démissionner, on peut tenir pour assuré qu'il reflétait l'avis de nombreuses personnes, qui n'auraient pas digéré l'accession du Québec à l'indépendance par une aussi petite marge.

J'en tiens pour preuve l'opposition aux fusions municipales : les partis au pouvoir ont clairement cru que les passions retomberaient au bout de quelques mois. Mettons que le PQ doit encore s'en mordre les doigts... et que les Libéraux aussi ont appris à quel point c'était une patate chaude. Or, si de simples modifications de juridictions municipales ont déchaîné les passions pendant des années, peut-on croire vraiment que les partisans du NON en 1995 auraient accepté sans dire mot un résultat qui bouleversaient leurs vies? L'acrimonie aurait duré des années, relancée au besoin par telle ou telle révélation des tactiques du camp du OUI.

Qu'une partition du territoire québécois soit légitime ou non au regard du droit international, cela n'a pas empêché ailleurs des formes d'irrédentisme ou de séparatisme territorial (en Bretagne, en Corse, au Tyrol italien) de perdurer. Le droit international dit une chose, mais il existe aussi des réalités politiques et je crois qu'il suffit d'ouvrir un peu les yeux pour constater qu'elles auraient joué dans l'éventualité d'un vote positif en 1995 et d'une déclaration d'indépendance à la hussarde.
 
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