2007-01-03

 

Une dragonne et son chevalier

C'est la conscience professionnelle qui m'a poussé à aller voir Eragon, et rien d'autre.

J'étais sceptique. Tout d'abord, il s'agit d'un produit dérivé d'un produit dérivé. La trilogie signée par le jeune Christopher Paolini a profité de la vogue de Harry Potter pour bénéficier d'un battage tout particulier. Même si l'univers de Paolini doit beaucoup plus à l'univers d'Anne McCaffrey, voire à la trame fondamentale de Star Wars, il reste qu'il s'agit de fantasy à part entière.

On ne peut être surpris d'ailleurs de constater à quel point l'intrigue du premier Star Wars (le quatrième épisode) s'intègre parfaitement à un univers de fantasy. Les ressemblances sont marquées, en tout cas. Car ce jeune Eragon, paysan qui a grandi sur la ferme de son oncle, n'est-ce pas Luke Skywalker, recueilli par un oncle sur Tattooine? Cet ordre déchu de chevaliers exterminé par l'un des leurs, devenu empereur... pardon, roi, ne s'agit-il pas des Jedis? Et ce vieux conteur tourné en ridicule au village du jeune Eragon, n'est-ce pas Obi-Wan Kenobi sous un autre nom? Comme par hasard, ce vieil excentrique appelé Brom est un ancien chevaucheur de dragons qui va servir de mentor à Eragon, puissamment doué... Il y a même une princesse qu'Eragon va décider d'aller délivrer au cœur de la forteresse noire de Darth Vader, euh, d'une Ombre maléfique, ce qui va coûter la vie à Brom... Sans parler d'un mouvement de résistance à l'usurpateur qui se cache et qui attend un signe.

Mais on ne peut demander à un auteur de moins de vingt ans d'être original, ou du moins d'être conscient de ses influences. Au même âge, j'avais écrit Le Ressuscité de l'Atlantide sans jamais me rendre compte que le médecin qui transplantait des personnalités dans mon roman portait le même nom qu'un chirurgien nazi qui transplantait (supposément) des cerveaux dans une aventure de Ric Hochet que j'avais lue quelques années auparavant...

On peut encore moins demander à un film hollywoodien de l'être. Les films sont des produits dérivés par définition et il est rare qu'ils puissent rivaliser avec les ouvrages dont ils sont tirés. N'ayant pas lu la trilogie de Paolini, je ne peux pas juger de la fidélité de l'adaptation, mais j'ai certainement trouvé le film quelconque. Les dialogues sont d'une grande banalité, les scènes d'action misent sur la frénésie et la confusion pour exciter les spectateurs et il y a fort peu de rebondissements dignes de ce nom.

Les points forts du film sont visuels. La dragonne que monte Eragon est une créature superbement réalisée, presque parfaitement vivante. Les paysages sont également magnifiques, même s'ils contredisent parfois les indications des personnages (ceux-ci semblent se balader dans des régions montagneuses longtemps avant d'avoir atteint les contreforts devant précéder les vraies montagnes). Et quelques scènes de l'affrontement final entre Eragon et le séide du roi sont franchement impressionnantes.

Un des aspects les plus agaçants du film (j'ignore s'il est présent dans le livre), c'est la compression du temps et de l'espace. Des personnages laissés au sol par Eragon qui s'envole sur sa dragonne vont le rejoindre à point nommé, comme s'ils disposaient d'un moyen de transport aussi rapide qu'un dragon... Ou c'est une armée entière qui semble se matérialiser en une journée aux confins du royaume alors qu'il a fallu plusieurs jours à Eragon et Brom pour se rendre aussi loin à cheval...

Les films de fantasy ne sont pas si nombreux que l'on puisse les ignorer, mais Eragon s'approche dangereusement du degré zéro de l'insignifiance.

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Comments:
Entre nullissimité et degré zéro de l'insignifiance, je crois qu'il n'y a pas trop à choisir...

Disons que je suis allé voir le film avec des attentes à peu près nulles, et comme mes attentes en fait de films de fantasy ne sont pas franchement élevées, je n'ai pas été assez déçu pour avoir l'indignation nécessaire à une démolition en règle. En fait, j'étais même porté à comparer le film à un autre produit d'une autre vogue passagère de la fantasy, Dragonslayer (1981), que j'étais allé voir au cinéma dans un état d'esprit à peu près similaire et qui était le même genre de produit commercial formaté pour flatter les désirs des jeunes gens. Vingt-cinq ans plus tard, c'est la même recette. Pourquoi s'en indigner?

Tout ce que je trouve à ajouter, c'est que, si je n'ai pas remarqué le « Heill » (?) lancé par le héros, j'ai trouvé qu'il était très blond,
effectivement...

En revanche, j'aurais pu ajouter quelques méchancetés sur l'auteur, en particulier pour son choix de noms (un pays appelé Alagaësia... un Tylenol avec ça? ou ce roi appelé Galbatorix qui pourrait arriver d'un certain petit village gaulois...).
 
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