2006-12-30

 

La mort des dictateurs

Pinochet est mort de vieillesse, Milosevic s'est éteint dans sa cellule à La Haye, Castro souffre — agonise ? — derrière des portes bien closes, mais Saddam Hussein a été pendu.

Verrons-nous un jour la vidéo de la pendaison du raïs irakien? C'est probable. Mais comme l'exécution de Hussein, cela risquera d'apparaître comme une marque de faiblesse, ou du moins comme un autre signe du désarroi étatsunien en Irak.

Certes, après la Seconde Guerre mondiale, l'exécution de hauts dignitaires du régime nazi a scellé la victoire alliée et défini les bornes de l'admissible et de l'inadmissible, au moins pour un temps. Mais la longue captivité d'autres dignitaires, comme Rudolf Hess, n'a pas affaibli ou vraiment gêné le développement de la démocratie allemande.

Cela dit, cette mort d'un dictateur entre Noël et le Jour de l'An rappelle inévitablement la mort des Ceausescu, fusillés et filmés, durant la révolution roumaine en décembre 1989. Si l'exécution des époux Ceausescu a mis fin sans appel au régime communiste, on ne peut pas dire que la Roumanie a connu depuis cette date un développement extraordinaire ou une histoire particulièrement rieuse. De plus, en 1989, la mort des Ceausescu avait eu lieu dans le feu de l'action (un peu comme celle de Mussolini en 1945). On pouvait l'imputer à un mélange de confusion et de panique. La mise à mort de Saddam Hussein, mûrement réfléchie (en principe), risque de paraître comme une décision bassement politique et pareillement hâtive alors qu'elle aurait dû être, au minimum, l'aboutissement inéluctable d'un procès exhaustif.

Je n'avais pas pleuré quand on avait vu Saddam Hussein à la télévision, hirsute, captif, à peine sorti de son trou. Il y avait quelque chose de salutaire dans cette image du dictateur déchu et rabaissé. Il faut rendre les dictateurs moins effrayants, non? Et il serait sain que les dirigeants de ce monde ne puissent pas écarter tout à fait la crainte de connaître un jour pareil sort, s'ils le méritent.

C'est en raison même des crimes de Saddam, donc, qu'on peut regretter cette exécution précipitée au terme d'un procès accéléré, qui semble trahir chez les geôliers de Saddam Hussein un reste de crainte, comme si le dictateur effrayait encore. Néanmoins, on la regrettera moins que l'impunité presque complète de Pinochet au Chili, ou l'impunité pleine et entière de Castro à Cuba. Même si leurs crimes ont été moins graves, des cas aussi flagrants sont mauvais et tout ce que je regrette de l'exécution de Saddam Hussein, c'est qu'elle nous rapproche infinitésimalement de son niveau.

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