2006-06-08
Martèlement médiatique
Cela va faire bientôt une semaine et on en parle encore à longueur de journée...
Quand les médias torontois déchirent leur chemise en découvrant qu'il peut y avoir des terroristes parmi nous, il faut sans doute comprendre — s'ils ne sont pas tout simplement de mauvaise foi — qu'ils sont avant tout surpris qu'il puisse y avoir des terroristes à Toronto.
Le narcissisme torontois qui fait grincer des dents de Victoria à Halifax s'exhibe donc dans toute sa splendeur. Si quelque chose est nouveau et sans précédent à Toronto, il l'est forcément aussi dans tout le Canada...
Ou est-ce l'ignorance de l'histoire? Depuis la rébellion de 1837, lorsque des révoltés avaient bel et bien tenté de prendre le pouvoir par les armes, il est exact que Toronto a été largement épargnée par les violences politiques. Hormis une échauffourée entre immigrants juifs et sympathisants nazis dans le parc de Christie Pits en août 1933, en pleine Dépression, Toronto n'a connu à ce que j'en sais que des incidents mineurs et des manifestations un peu agitées depuis plus d'un siècle. Le choc est donc grand, même s'il ne s'agit que d'accusations (qui restent à prouver) de complot. En revanche, le reste du pays a une histoire quand même marquée par un certain nombre de conflits et d'actes violents. Les militants amérindiens et les felquistes québécois ne sont que les exemples les plus récents et les plus connus.
À Ottawa, nous sommes quelques-uns à nous souvenir du terrorisme arménien qui avait fait deux morts (un diplomate turc et un gardien de sécurité canadien) et plusieurs blessés entre 1982 et 1985, sans parler des menaces d'attentat et des bombes posées par la cellule canadienne « Azad Hay » de l'ASALA — l'Armée arménienne secrète pour la libération de l'Arménie. (Deux des preneurs d'otages lors de l'assaut de l'ambassade turque en 1985 étaient des citoyens canadiens...)
Au plus fort de la crise, la GRC avait affecté des agents à la protection de tous les diplomates turcs en poste à Otttawa. L'un d'eux vivait dans le même immeuble à logements que ma famille, au même étage, et je me souviens clairement de l'agent assis à un pupitre devant la porte de l'appartement du diplomate turc, au bout du couloir. Il fallait passer devant lui pour aller prendre l'ascenseur et partir à l'école. Et je ne m'empêchais surtout pas de couler un regard fasciné dans la direction de son arme de service... La situation avait de quoi susciter un petit frisson délicieux, surtout qu'au fond, je ne croyais sans doute pas qu'il arriverait quoi que ce soit...
La cible était trop évidente pour que des terroristes ne cherchent pas un autre point faible. Je me trompais, sans doute, car les terroristes arméniens s'étaient montrés particulièrement audacieux. Mais cette règle semble avoir une validité générale dans le cas du terrorisme; depuis le renforcement des mesures de sécurité dans le domaine de l'aviation, les terroristes islamistes n'ont pas souvent essayé d'infiltrer quelqu'un ou quelque chose à bord d'un avion — hors de la Russie, bien sûr.
Au Canada, le parallèle le plus évident remonte au XIXe siècle. Si les conspirateurs islamistes de Toronto sont des Canadiens qui voulaient s'en prendre au Canada en raison du soutien qu'il apporte à la puissance impériale des États-Unis, les Fenians qui ont mené des incursions transfrontalières entre 1866 et 1871 étaient des Étatsuniens qui s'en prenaient au Canada en raison de son alliance avec la puissance impériale de l'Angleterre. (Tout comme le présumé terroriste Steven Vikash Chand a été un réserviste de l'armée canadienne, les Fenians comptaient de nombreux vétérans des armées engagées dans la Guerre de Sécession.) Dans les deux cas, le Canada paie pour ses alliances. Évidemment, les États-Unis reprochent maintenant au Canada d'abriter des terroristes qui voudraient s'en prendre à eux — même si, pour l'instant, les islamistes actuels n'ont pas encore réussi à égaler les exploits des Fenians basés aux États-Unis il y a un siècle et demi...
Quand les médias torontois déchirent leur chemise en découvrant qu'il peut y avoir des terroristes parmi nous, il faut sans doute comprendre — s'ils ne sont pas tout simplement de mauvaise foi — qu'ils sont avant tout surpris qu'il puisse y avoir des terroristes à Toronto.
Le narcissisme torontois qui fait grincer des dents de Victoria à Halifax s'exhibe donc dans toute sa splendeur. Si quelque chose est nouveau et sans précédent à Toronto, il l'est forcément aussi dans tout le Canada...
Ou est-ce l'ignorance de l'histoire? Depuis la rébellion de 1837, lorsque des révoltés avaient bel et bien tenté de prendre le pouvoir par les armes, il est exact que Toronto a été largement épargnée par les violences politiques. Hormis une échauffourée entre immigrants juifs et sympathisants nazis dans le parc de Christie Pits en août 1933, en pleine Dépression, Toronto n'a connu à ce que j'en sais que des incidents mineurs et des manifestations un peu agitées depuis plus d'un siècle. Le choc est donc grand, même s'il ne s'agit que d'accusations (qui restent à prouver) de complot. En revanche, le reste du pays a une histoire quand même marquée par un certain nombre de conflits et d'actes violents. Les militants amérindiens et les felquistes québécois ne sont que les exemples les plus récents et les plus connus.
À Ottawa, nous sommes quelques-uns à nous souvenir du terrorisme arménien qui avait fait deux morts (un diplomate turc et un gardien de sécurité canadien) et plusieurs blessés entre 1982 et 1985, sans parler des menaces d'attentat et des bombes posées par la cellule canadienne « Azad Hay » de l'ASALA — l'Armée arménienne secrète pour la libération de l'Arménie. (Deux des preneurs d'otages lors de l'assaut de l'ambassade turque en 1985 étaient des citoyens canadiens...)
Au plus fort de la crise, la GRC avait affecté des agents à la protection de tous les diplomates turcs en poste à Otttawa. L'un d'eux vivait dans le même immeuble à logements que ma famille, au même étage, et je me souviens clairement de l'agent assis à un pupitre devant la porte de l'appartement du diplomate turc, au bout du couloir. Il fallait passer devant lui pour aller prendre l'ascenseur et partir à l'école. Et je ne m'empêchais surtout pas de couler un regard fasciné dans la direction de son arme de service... La situation avait de quoi susciter un petit frisson délicieux, surtout qu'au fond, je ne croyais sans doute pas qu'il arriverait quoi que ce soit...
La cible était trop évidente pour que des terroristes ne cherchent pas un autre point faible. Je me trompais, sans doute, car les terroristes arméniens s'étaient montrés particulièrement audacieux. Mais cette règle semble avoir une validité générale dans le cas du terrorisme; depuis le renforcement des mesures de sécurité dans le domaine de l'aviation, les terroristes islamistes n'ont pas souvent essayé d'infiltrer quelqu'un ou quelque chose à bord d'un avion — hors de la Russie, bien sûr.
Au Canada, le parallèle le plus évident remonte au XIXe siècle. Si les conspirateurs islamistes de Toronto sont des Canadiens qui voulaient s'en prendre au Canada en raison du soutien qu'il apporte à la puissance impériale des États-Unis, les Fenians qui ont mené des incursions transfrontalières entre 1866 et 1871 étaient des Étatsuniens qui s'en prenaient au Canada en raison de son alliance avec la puissance impériale de l'Angleterre. (Tout comme le présumé terroriste Steven Vikash Chand a été un réserviste de l'armée canadienne, les Fenians comptaient de nombreux vétérans des armées engagées dans la Guerre de Sécession.) Dans les deux cas, le Canada paie pour ses alliances. Évidemment, les États-Unis reprochent maintenant au Canada d'abriter des terroristes qui voudraient s'en prendre à eux — même si, pour l'instant, les islamistes actuels n'ont pas encore réussi à égaler les exploits des Fenians basés aux États-Unis il y a un siècle et demi...
Libellés : Canada, Histoire, Politique