2006-04-08

 

« No Future »


Le discours du déclin en France s'emballe. Les plus véhéments laissent volontiers entendre que le pays s'écroule, que l'État ne fonctionne plus, bref, que le pays va droit dans le mur...

Pourtant, qui se compare se console. Un visiteur étranger est plus fréquemment impressionné par ce qui fonctionne en France que par le contraire. Les transports en commun, les routes et autoroutes pharaoniques, les hôpitaux, les institutions artistiques, les parcs et jardins méticuleusement entretenus, les musées... Les grandes comparaisons internationales menées dans plusieurs domaines, dont ceux de l'éducation et de la santé publique, tendent à hisser la France tout près de la tête du classement. Même dans le cas du chômage des jeunes qui a tant fait parler, il faut conserver un minimum de perspective. Jacques Marseille corrige le tir, à tel point qu'il en vient presque à soutenir que la France fait mieux que le reste de l'Europe — mais il se garde bien d'indiquer quels sont les pourcentages respectifs des actifs dans les 15-24 ans... (Si la France compte un peu moins de chômeurs dans cette classe d'âge qu'ailleurs en Europe, et plus de jeunes aux études, cela n'exclut nullement que le pourcentage des jeunes actifs soit plus bas qu'ailleurs.)

Dans les faits, la France reste dans le peloton le plus privilégié des pays de la planète. Au sein de ce peloton, quand un cheval se fait dépasser, son cavalier ne voit que l'arrière-train de l'animal devant lui. Il ne voit pas toutes les montures qu'il a laissées dans la poussière derrière lui, tous les canassons et les tocards relégués aux derniers rangs. Près de la tête du classement, chaque dépassement semble dramatique, mais ces échanges de place au sein du peloton sont à peine visibles de la queue de la course...

Le hic, en fait, ce n'est pas que la performance de l'économie ou des institutions françaises soit particulièrement désastreuse. Le véritable problème, c'est que cette performance honorable est achetée à crédit. Pour l'instant, les déficits en série et la dette accumulée n'atteignent pas encore des niveaux véritablement paralysants. (De nombreux autres pays sont aux prises avec des situations fiscales nettement moins attrayantes.)

Si la situation fiscale de plusieurs autres pays industrialisés, grands et petits (Belgique, Italie, Japon) n'est guère plus reluisante, il reste possible qu'en France, les rigidités du système politique entravent une gestion souple de ce fardeau et précipitent une crise. Si on y réfléchit, pourtant, cela semble peu probable. Les grandes institutions financières ont adopté des procédures d'intervention qui ont servi en Amérique latine et en Extrême-Orient pour éviter des faillites en cascades. Certains pays, comme la Thaïlande et l'Argentine, ont payé le prix fort, mais la contagion a été contenue. Ceci indique que la mondialisation économique a bel et bien entraîné des débuts d'interdépendance, et aussi des mécanismes de correction. On ne permettrait pas à un pays comme la France de s'effondrer, parce que chaque pays est une clé de voûte dans ce système. Pour que la France s'effondre, il faudrait un effondrement général, dans le genre de la Grande Dépression. Or, même si le protectionnisme étatsunien rappelle en ce moment les politiques protectionnistes représentées par la loi Hawley-Smoot signée par Hoover en 1930, nous n'en sommes pas encore là. La France a encore beaucoup de marge avant de se heurter à un mur de briques...

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