2006-04-16
Le nouveau cinéma d'Ottawa
Un des plus récents cinémas d'Ottawa est en fait loin d'être neuf. Installé dans les sous-sols du centre commercial Saint-Laurent, il est opéré par la compagnie Magic Lantern Theatres, fondée en 1984. Son modèle d'affaires est un peu celui du Parisien à Montréal : des prix bas, des films qui ont parfois déjà quitté les salles des grandes chaînes et des lieux qui sont accueillants sans être aussi tape-à-l'œil (ou bruyant) que les multiplexes de deuxième génération.
Si le Rainbow Cinema du Saint-Laurent est neuf, il a emménagé dans des salles qui ne le sont pas. C'est à quelques exceptions près le lieu même de mes premières émotions cinématographiques, particulièrement en science-fiction. Non, ce n'est pas là que j'ai vu Star Wars en 1977, enfin je ne crois pas, mais j'y ai vu Close Encounters of the Third Kind la même année. Plus tard, ce fut E.T. the Extraterrestrial en 1982, un des rares films que j'étais retourné voir à une époque où je comptais mes sous (pour acheter des livres, voyons!).
Hier, c'était Ultraviolet, dont Fractale Framboise a parlé à l'occasion de la sortie de la bande-annonce, et c'est clair qu'il ne restera pas dans les mémoires aussi longtemps que les films sus-mentionnés. Pourtant, il compte un certain nombre de scènes et d'idées sf qui ne sont pas inintéressantes, mais qui sont surtout reléguées en arrière-plan ou incorporées aux décors ou noyées dans les rebondissements de l'action. La situation de départ et l'intrigue ne renouvellent rien. (Surtout si on a vu Aeon Flux...)
Dans un monde futur qui a tout de l'indétermination des décors en carton-pâte (les appeler des décors CGI ne soulignerait pas leur facticité de la même façon, curieusement), l'apparition d'une nouvelle maladie faisant des personnes atteintes des hémophages (vampires) a propulsé au pouvoir une élite médicale qui a imposé un régime tyrannique (dont on ne voit pas beaucoup de traces, en fait, à part les masques sur la bouche et la présence de nombreux uniformes).
Les hémophages sont voués à l'extermination (la solution finale du nouveau régime), mais ils sont entrés dans la clandestinité. La belle Violet (Milla Jovovich) est une des âmes de leur résistance. Des laboratoires du régime, cependant, va sortir un petit garçon, le sixième clone du dirigeant suprême dont le sang passe pour transporter quelque chose (les explications varient sans signifier grand-chose) qui pourrait tuer tous les hémophages qui y seraient exposés. Mais comme sa sélectivité impliquerait une connaissance des caractéristiques du virus responsable de l'hémophagie, il pourrait aussi donner à un chercheur hémophage, Garth, le moyen d'isoler et de contrecarrer cet agent. C'est presque cohérent, mais Violet finit par découvrir que c'est le contraire et que le garçon a été infecté par une nouvelle maladie mortelle pour les humains. Pourquoi? C'est ce qu'elle finira par découvrir.
Quant à la soi-disant révélation de ce qui a sauvé Six, le garçon que Violet a pris sous son aile, elle m'a plongé dans un abîme de perplexité : cela faisait une demi-heure que je me demandais pourquoi Garth et Violet n'avaient pas songé que le transformation de Six en hémophage le sauverait peut-être d'une toxine mortelle pour les humains...
Ce qui reste et ce qu'on peut aimer, c'est le design et la chorégraphie. Les combats sont-ils originaux? Je ne suis pas un fan assidu des films d'arts martiaux et, pourtant, je n'ai pas été renversé. Il manquait l'inventivité relative de la trilogie Matrix ou la coloration émotionnelle des meilleurs duels dans Crouching Tiger, Hidden Dragon. Les combats se réduisent, justement, à des performances acrobatiques ponctuées de coups de feu, d'arabesques métalliques ou de sillages de balles. À la fin, les danseurs s'effondrent et ce ne sont que des pantins dont on a coupé les fils. La réalisation n'exploite presque jamais les sentiments les personnages et pourtant Violet affronte d'anciens alliés ou amis, mais qui sont réduits à de simples rôles d'antagonistes dont la cruauté justifie la mort.
Mais je ne m'attendais ni à un grand film de sf ni à une révolution dans le genre.
L'entrée en matière du film donne le ton, après tout. Violet est présentée explicitement comme un personnage de bande dessinée. Il existe certes des bandes dessinées ou des dessins animés dont les personnages sont complexes, nuancés, vraisemblables... intéressants, quoi. Mais les adaptations hollywoodiennes nous ont, pour l'essentiel, dissuadé de rechercher les mêmes qualités dans les productions cinématographiques correspondantes. Inutile d'attendre des idées fortes ou des intrigues semées de surprises.
Pourtant, parler purement et simplement d'eye candy me semble trop méprisant. Ultraviolet n'avait pas tout à fait le budget requis pour générer des illusions parfaites. Comme d'autres films (Sky Captain ou Immortel), ces limites ont été acceptées afin de donner un style précis aux plans du film. Le résultat est plutôt un spectacle.
Tout comme la bande dessinée apparaît de plus en plus comme une forme d'art majeure du siècle dernier, qui a l'avantage sur l'art préservé dans les musées d'être un art vivant, le film à grand déploiement d'effets spéciaux apparaît aussi comme un art à part, et un art à part entière. On pourrait remonter aux pièces de théâtre de Jules Verne, qui comptent parmi les premières superproductions pour la scène, mais il s'inscrit aussi dans une lignée qui commence en Europe avec les miracles, mystères et jeux de la passion. Le texte est souvent connu et l'intrigue secondaire, parce que la foule vient assister à un spectacle dont l'intérêt tient dans l'étalage des couleurs, le chatoiement des images et l'inattendu des métamorphoses. On retrouverait dans cette lignée l'opéra né en Italie à la fin de la Renaissance et qui mise aussi sur une combinaison de moyens qui exclut presque automatiquement une intrigue trop compliquée. Il faut que l'histoire puisse se comprendre (et se développer) dans les intervalles entre les ballets, les arias, les changements de décor, etc. Je me dis parfois, d'ailleurs, qu'il serait sûrement plus utile de regarder un film comme Ultraviolet comme s'il s'agissait d'un opéra.
Mais si le spectacle et non le texte devient le signifiant, qu'est-ce qui est signifié par ces enchaînements de massacres chorégraphiés?
Si le Rainbow Cinema du Saint-Laurent est neuf, il a emménagé dans des salles qui ne le sont pas. C'est à quelques exceptions près le lieu même de mes premières émotions cinématographiques, particulièrement en science-fiction. Non, ce n'est pas là que j'ai vu Star Wars en 1977, enfin je ne crois pas, mais j'y ai vu Close Encounters of the Third Kind la même année. Plus tard, ce fut E.T. the Extraterrestrial en 1982, un des rares films que j'étais retourné voir à une époque où je comptais mes sous (pour acheter des livres, voyons!).
Hier, c'était Ultraviolet, dont Fractale Framboise a parlé à l'occasion de la sortie de la bande-annonce, et c'est clair qu'il ne restera pas dans les mémoires aussi longtemps que les films sus-mentionnés. Pourtant, il compte un certain nombre de scènes et d'idées sf qui ne sont pas inintéressantes, mais qui sont surtout reléguées en arrière-plan ou incorporées aux décors ou noyées dans les rebondissements de l'action. La situation de départ et l'intrigue ne renouvellent rien. (Surtout si on a vu Aeon Flux...)
Dans un monde futur qui a tout de l'indétermination des décors en carton-pâte (les appeler des décors CGI ne soulignerait pas leur facticité de la même façon, curieusement), l'apparition d'une nouvelle maladie faisant des personnes atteintes des hémophages (vampires) a propulsé au pouvoir une élite médicale qui a imposé un régime tyrannique (dont on ne voit pas beaucoup de traces, en fait, à part les masques sur la bouche et la présence de nombreux uniformes).
Les hémophages sont voués à l'extermination (la solution finale du nouveau régime), mais ils sont entrés dans la clandestinité. La belle Violet (Milla Jovovich) est une des âmes de leur résistance. Des laboratoires du régime, cependant, va sortir un petit garçon, le sixième clone du dirigeant suprême dont le sang passe pour transporter quelque chose (les explications varient sans signifier grand-chose) qui pourrait tuer tous les hémophages qui y seraient exposés. Mais comme sa sélectivité impliquerait une connaissance des caractéristiques du virus responsable de l'hémophagie, il pourrait aussi donner à un chercheur hémophage, Garth, le moyen d'isoler et de contrecarrer cet agent. C'est presque cohérent, mais Violet finit par découvrir que c'est le contraire et que le garçon a été infecté par une nouvelle maladie mortelle pour les humains. Pourquoi? C'est ce qu'elle finira par découvrir.
Quant à la soi-disant révélation de ce qui a sauvé Six, le garçon que Violet a pris sous son aile, elle m'a plongé dans un abîme de perplexité : cela faisait une demi-heure que je me demandais pourquoi Garth et Violet n'avaient pas songé que le transformation de Six en hémophage le sauverait peut-être d'une toxine mortelle pour les humains...
Ce qui reste et ce qu'on peut aimer, c'est le design et la chorégraphie. Les combats sont-ils originaux? Je ne suis pas un fan assidu des films d'arts martiaux et, pourtant, je n'ai pas été renversé. Il manquait l'inventivité relative de la trilogie Matrix ou la coloration émotionnelle des meilleurs duels dans Crouching Tiger, Hidden Dragon. Les combats se réduisent, justement, à des performances acrobatiques ponctuées de coups de feu, d'arabesques métalliques ou de sillages de balles. À la fin, les danseurs s'effondrent et ce ne sont que des pantins dont on a coupé les fils. La réalisation n'exploite presque jamais les sentiments les personnages et pourtant Violet affronte d'anciens alliés ou amis, mais qui sont réduits à de simples rôles d'antagonistes dont la cruauté justifie la mort.
Mais je ne m'attendais ni à un grand film de sf ni à une révolution dans le genre.
L'entrée en matière du film donne le ton, après tout. Violet est présentée explicitement comme un personnage de bande dessinée. Il existe certes des bandes dessinées ou des dessins animés dont les personnages sont complexes, nuancés, vraisemblables... intéressants, quoi. Mais les adaptations hollywoodiennes nous ont, pour l'essentiel, dissuadé de rechercher les mêmes qualités dans les productions cinématographiques correspondantes. Inutile d'attendre des idées fortes ou des intrigues semées de surprises.
Pourtant, parler purement et simplement d'eye candy me semble trop méprisant. Ultraviolet n'avait pas tout à fait le budget requis pour générer des illusions parfaites. Comme d'autres films (Sky Captain ou Immortel), ces limites ont été acceptées afin de donner un style précis aux plans du film. Le résultat est plutôt un spectacle.
Tout comme la bande dessinée apparaît de plus en plus comme une forme d'art majeure du siècle dernier, qui a l'avantage sur l'art préservé dans les musées d'être un art vivant, le film à grand déploiement d'effets spéciaux apparaît aussi comme un art à part, et un art à part entière. On pourrait remonter aux pièces de théâtre de Jules Verne, qui comptent parmi les premières superproductions pour la scène, mais il s'inscrit aussi dans une lignée qui commence en Europe avec les miracles, mystères et jeux de la passion. Le texte est souvent connu et l'intrigue secondaire, parce que la foule vient assister à un spectacle dont l'intérêt tient dans l'étalage des couleurs, le chatoiement des images et l'inattendu des métamorphoses. On retrouverait dans cette lignée l'opéra né en Italie à la fin de la Renaissance et qui mise aussi sur une combinaison de moyens qui exclut presque automatiquement une intrigue trop compliquée. Il faut que l'histoire puisse se comprendre (et se développer) dans les intervalles entre les ballets, les arias, les changements de décor, etc. Je me dis parfois, d'ailleurs, qu'il serait sûrement plus utile de regarder un film comme Ultraviolet comme s'il s'agissait d'un opéra.
Mais si le spectacle et non le texte devient le signifiant, qu'est-ce qui est signifié par ces enchaînements de massacres chorégraphiés?
Libellés : Films, Science-fiction