2006-01-02

 

Verne, d'une génération à l'autre...

Comme on le sait, 2005 aura été l'année de la physique, l'année d'Einstein (cinquante ans après sa mort et cent ans après «année miraculeuse») et aussi l'année de Jules Verne (cent ans après sa mort). C'est quand même la pérennité de Verne qui doit étonner.

Alors qu'il reste des contemporains d'Einstein pour témoigner de l'homme qu'ils ont connu et que ses théories demeurent fondamentales, Jules Verne est l'homme d'un autre siècle. Ses romans sont de moins en moins lus et, pour le grand public, son œuvre se réduit à quelques titres dont les éléments appartiennent presque à la culture générale. Quand on en tire des films ou des séries télévisées, c'est en faisant preuve d'une fidélité fort limitée. Pour invoquer L'Île mystérieuse ou Vingt mille lieues sous les mers, il suffit d'avoir des naufragés sur une île ou un quelconque capitaine affublé d'un pseudonyme aux commandes d'un sous-marin plus perfectionné que la moyenne. (Et je n'ose parler de la récente version du Tour du monde en 80 jours avec Jackie Chan...)

Alors, comment expliquer l'immortalité de Verne, du moins dans le monde francophone? Il faut sans doute l'imputer à l'identification de plus en plus étroite entre Jules Verne et le dix-neuvième siècle qu'il incarne. Le siècle de la première mondialisation, de la première littérature de masse, des inventions, des expéditions téméraires, de la conquête résolue de la planète par l'Occident — et de l'Occident par la technique. De plus, ce siècle est longtemps resté associé à l'avenir et à la littérature d'anticipation, dans toutes ses déclinaisons postérieures. À droite, on voit ici une photo datée du 17 ou 18 juin 1954, dans un journal paru tout près de 49 ans après la mort de Jules Verne. Lorsque le journaliste parisien doit présenter ce bal costumé martien qui rappelle les films étatsuniens de «science fiction» (entre guillemets dans le texte...), il explique qu'il s'agissait de rendre hommage aux personnages de Jules Verne! Même en l'absence de tout extraterrestre dans l'œuvre de Verne, la référence à l'auteur français fait tout passer et justifie tout.

Pour les Français, notons que ce bal correspond avec l'entrée en fonction de Pierre Mendès-France en juin 1954, qui intervient après la défaite de la France au Viêt-Nam et le début de la guerre d'Algérie. Si l'actualité remue encore les événements de ce passé trop proche, on pourrait soutenir que le souvenir de Verne reste plus frais que celui de la IVe République...

Libellés : ,


Comments: Publier un commentaire

<< Home

This page is powered by Blogger. Isn't yours?