2006-01-10

 

À quand un attentat terroriste au Canada?

Il y a déjà eu des attentats terroristes canadiens, mais relativement peu en sol canadien qui ait fait des victimes. Depuis le 11 septembre 2001, plusieurs pays ont été frappés, directement ou non, par des attentats terroristes liés aux idéologies islamistes. Plusieurs Canadiens sont morts, à New York ou ailleurs — le fanatisme islamiste ayant fait (pour l'instant) moins de victimes canadiennes que le fanatisme sikh (Air India), mais plus de victimes que le fanatisme irlandais (les raids fenians) ou le fanatisme québécois (FLQ) — mais pas encore au Canada même.

On ne peut qu'accumuler les conjectures sur les facteurs déterminants. Il existe de nombreux musulmans au Canada. Les cas de la famille Khadr et d'Ahmed Ressam suffisent à démontrer que des citoyens ou résidents permanents canadiens peuvent adhérer à la cause du terrorisme islamiste. Mais comme dans le cas des indépendantistes tamouls du Sri Lanka (Tigres tamouls), ils peuvent aussi choisir de faire du Canada une simple base arrière, soit pour des actions outre-mer soit pour des actions aux États-Unis, et non une cible. Pour des terroristes d'origine étrangère, il serait imbécile de frapper le Canada sans raison si cela devait les priver d'un refuge ou d'une source de financement.

Le Canada a été envisagé comme cible (par des apprentis terroristes qui ont fait des repérages) et il a été cité comme cible par Osama ben Laden. Cependant, jusqu'à maintenant, les pays frappés depuis le 11 décembre ont été nettement plus actifs que le Canada dans la guerre déclarée par George W. Bush contre le «terrorisme», ou bien ils accueillaient déjà des cellules de l'organisation originelle de ben Laden (ou, à défaut, des mouvements islamistes locaux). Dans le premier cas, on retrouve l'Espagne, l'Irak et l'Angleterre. Dans le second cas, on a l'Indonésie, l'Arabie saoudite et l'Égypte. Les cas de la Tunisie et de la Turquie sont moins clairs. Quant à la Jordanie, elle relève clairement d'une extension du conflit irakien.

Si les forces de l'ordre canadiennes ont raison de croire que le réseau originel de ben Laden au Canada (deux ou trois cellules tout au plus?) a été liquidé, le Canada ne serait alors qu'une cible de second rang pour les terroristes étrangers motivés par les conflits afghan et irakien, puisque absent de l'Irak même s'il est de plus en plus présent en Afghanistan.

À la rigueur, il leur offrirait une voie de passage commode pour frapper les États-Unis, mais je n'ai jamais compris cette logique. Même si les contrôles canadiens aux frontières laissent à désirer, pourquoi un terroriste voudrait-il doubler ses chances d'être refoulé ou appréhendé en bravant deux fois les contrôles aux frontières?

Il reste alors la possibilité d'un terrorisme islamiste d'origine canadienne. Ce qu'on rapporte des prêches dans certaines mosquées de Montréal n'est guère rassurant. De toutes façons, les informations véhiculées par internet suffisent sans doute amplement à nourrir des pensées haineuses.

L'intégration à la société canadienne est-elle un critère? En France, les militants islamistes s'en vont combattre en Irak. En Angleterre, ils ont fait sauter des bombes à Londres. On peut imaginer sans trop de mal que l'identification à la société d'accueil peut aussi bien décourager les idées meurtrières qu'attiser un sentiment de trahison. Les actions d'un pays étranger suscitent parfois moins la colère que les actes d'un pays dont on se sent ou on s'est senti solidaire.

Si le Canada a louvoyé entre l'interventionnisme à tous crins de George W. Bush et une espèce de neutralité, il en a fait assez pour s'attirer l'hostilité des islamistes les plus extrêmes, mais il est sans doute supplanté comme cible par les États-Unis pour le plus grand nombre. C'est peut-être ce qui nous a sauvés jusqu'à maintenant. Si on suppose que les opinions et les velléités de militantisme de nature terroriste sont réparties selon une distribution normale, de la modération relative à l'extrémisme, les islamistes canadiens désireux de s'en prendre aux intérêts étatsuniens seraient plus nombreux que ceux qui voudraient plutôt s'en prendre aux intérêts canadiens. Dès lors, il serait plus probable d'assister à une autre tentative dans la direction des États-Unis (des islamistes canadiens n'ayant qu'à traverser une frontière) avant une tentative au Canada. Ou de voir des terroristes canadiens se faire arrêter en route pour les États-Unis avant d'en repérer qui ciblent le Canada.

Mais il faut tenir compte de la logistique. Sur tel ou tel nombre de militants islamistes, un certain pourcentage n'aura pas les moyens d'organiser un attentat. Du coup, si on exige que des terroristes voulant s'en prendre au Canada soient (i) d'origine canadienne ou établis de très longue date, (ii) plus extrêmes que les autres, et (iii) suffisamment nantis pour organiser un attentat, il ne devrait rester qu'un très petit nombre de candidats.

Toutefois, un article de Loretta Napoleoni rappelle que le coût d'un attentat terroriste est à la baisse. Les connaissances requises pour fabriquer des explosifs circulent de plus en plus facilement. Pour des militants déjà sur place et qui choisissent l'option kamikaze, le coût devient minime. Et ceux qui visent des cibles canadiennes auront des coûts plus bas que ceux qui veulent s'en prendre à des cibles étatsuniennes. L'inquiétude va demeurer encore un moment.

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