2005-12-03
Routes et autoroutes
Au début du vingtième siècle, la traversée de l'Amérique du Nord en voiture était une odyssée qui pouvait exiger trois mois de voyage. (On le faisait pour le sport ou pour des raisons politiques, afin d'établir la nécessité de meilleures routes, car le train était infiniment plus rapide.) Cette lenteur résultait de deux facteurs : la fragilité des premières voitures motorisées (à combustion interne ou externe) qui avaient tendance à subir un bris quelconque à intervalles rapprochés et le piètre état des routes surtout prévues pour le passage local de véhicules hippomobiles. Après la Première Guerre mondiale, les routes commencent à s'améliorer même s'il n'existe pas encore d'autoroute comparable aux nouvelles autobahns allemandes. (Et, assez longtemps, on ne déneigera pas l'hiver.)
Je crois que c'était Robert A. Heinlein qui évoquait quelque part le rite de passage qu'était devenu la traversée des États-Unis en voiture vers la fin des années 30, malgré l'absence d'autoroutes. La science-fiction qui naît en 1926 doit peut-être quelque chose à cette expérience de la conduite... ou plutôt, du pilotage de véhicules individuels capables de braver les immensités nord-américaines. À cette époque, la voiture est vécue comme l'aboutissement d'une révolution de la mobilité individuelle qui avait commencé avec les bicyclettes, aboutissement temporaire en attendant de voir tout le monde accéder à la propriété d'un avion individuel! Il était sûrement naturel pour les auteurs de science-fiction (le très casanier Isaac Asimov à part) de transposer dans l'espace cette évolution en rêvant de sillonner le système solaire (ou la Galaxie, pour les plus ambitieux) aux commandes d'une fusée individuelle.
Il est facile de retracer la filiation qui mène des fans de la radio du début du siècle, des bricoleurs de l'électroniques et des autres hobbyistes aux fans de science-fiction. Gernsback s'adressait à eux parce qu'il était l'un d'eux. Mais il faudrait sans doute examiner un jour la présence parmi ces auteurs et ces lecteurs de fondus de l'automobile. Évidemment, s'ils considéraient qu'il allait de soi de fourrager dans un moteur, personne n'en a peut-être fait état.
Le lien entre les deux ressurgit à l'occasion. Quand j'étudiais en astronomie à l'Université de Toronto, le département disposait d'une mini-fourgonnette Plymouth Voyager. Tout naturellement, elle était surnommée V'ger par les étudiants diplômés (comme dans le premier film de Star Trek, dois-je préciser...).
En fin de compte, la voiture individuelle est demeurée indépassable. Quelques privilégiés s'offrent des avions, mais la majorité doit se contenter de rouler sur des autoroutes qui reproduisent plus ou moins l'expérience d'un voyage spatial dans une bulle, en traversant des paysages qui sont toujours un peu les mêmes.
On ne construit plus beaucoup d'autoroutes en Amérique du Nord, sauf pour améliorer les déplacements urbains et péri-urbains. Il est pourtant avéré que tout lien de communication rapide désenclave et transforme les rapports entre une région et le reste du monde auquel elle est désormais reliée. Si cela peut accélérer l'exode, cela peut aussi faciliter les aller retour et aussi les nouvelles arrivées. Et il y a l'effet psychologique...
Les habitants des communautés isolées du nord canadien, comme Kashechewan, peuvent se rendre ailleurs, mais personne ne se rendra chez eux, car il serait trop coûteux de le faire sur un coup de tête, et tout visiteur resterait à la merci du moyen de transport qu'il a employé pour venir. Ce sont des destinations, et non des lieux de passage.
Certaines régions dites éloignées le sont souvent parce que, même si elles ne sont pas aussi isolées qu'une bourgade comme Kashechewan, les routes qui les relient au reste du pays imposent une vitesse maximale. Il faut avoir conduit de Sault-Sainte-Marie ou Kapuskasing jusqu'à Thunder Bay, ou de Thunder Bay jusqu'à Kenora ou Winnipeg pour avoir une petite, une toute petite idée des immensités canadiennes.
Ces temps-ci, on déplore l'aliénation des régions. À l'ouest d'Ottawa, faudrait-il recommencer à penser à la construction d'autoroutes — ou de voies ferrées pour trains à haute vitesse? (Encore que ces dernières ne pourraient certainement pas couvrir les distances qui séparent le Moyen-nord ontarien du Manitoba. La densité de la population ne le justifierait pas au regard des contraintes de la technologie.) Oui, il y a l'effet de serre, mais plus il sera avantageux de rouler, plus les gens seront prêts à payer cher pour des voitures non-polluantes.
Et augmenter la vitesse moyenne sur les routes qui relient (et séparent) l'Est et l'Ouest du pays, ne serait-ce que de 10 km/h, rapprocherait les villes de l'Est et de l'Ouest d'au moins une heure...
Je crois que c'était Robert A. Heinlein qui évoquait quelque part le rite de passage qu'était devenu la traversée des États-Unis en voiture vers la fin des années 30, malgré l'absence d'autoroutes. La science-fiction qui naît en 1926 doit peut-être quelque chose à cette expérience de la conduite... ou plutôt, du pilotage de véhicules individuels capables de braver les immensités nord-américaines. À cette époque, la voiture est vécue comme l'aboutissement d'une révolution de la mobilité individuelle qui avait commencé avec les bicyclettes, aboutissement temporaire en attendant de voir tout le monde accéder à la propriété d'un avion individuel! Il était sûrement naturel pour les auteurs de science-fiction (le très casanier Isaac Asimov à part) de transposer dans l'espace cette évolution en rêvant de sillonner le système solaire (ou la Galaxie, pour les plus ambitieux) aux commandes d'une fusée individuelle.
Il est facile de retracer la filiation qui mène des fans de la radio du début du siècle, des bricoleurs de l'électroniques et des autres hobbyistes aux fans de science-fiction. Gernsback s'adressait à eux parce qu'il était l'un d'eux. Mais il faudrait sans doute examiner un jour la présence parmi ces auteurs et ces lecteurs de fondus de l'automobile. Évidemment, s'ils considéraient qu'il allait de soi de fourrager dans un moteur, personne n'en a peut-être fait état.
Le lien entre les deux ressurgit à l'occasion. Quand j'étudiais en astronomie à l'Université de Toronto, le département disposait d'une mini-fourgonnette Plymouth Voyager. Tout naturellement, elle était surnommée V'ger par les étudiants diplômés (comme dans le premier film de Star Trek, dois-je préciser...).
En fin de compte, la voiture individuelle est demeurée indépassable. Quelques privilégiés s'offrent des avions, mais la majorité doit se contenter de rouler sur des autoroutes qui reproduisent plus ou moins l'expérience d'un voyage spatial dans une bulle, en traversant des paysages qui sont toujours un peu les mêmes.
On ne construit plus beaucoup d'autoroutes en Amérique du Nord, sauf pour améliorer les déplacements urbains et péri-urbains. Il est pourtant avéré que tout lien de communication rapide désenclave et transforme les rapports entre une région et le reste du monde auquel elle est désormais reliée. Si cela peut accélérer l'exode, cela peut aussi faciliter les aller retour et aussi les nouvelles arrivées. Et il y a l'effet psychologique...
Les habitants des communautés isolées du nord canadien, comme Kashechewan, peuvent se rendre ailleurs, mais personne ne se rendra chez eux, car il serait trop coûteux de le faire sur un coup de tête, et tout visiteur resterait à la merci du moyen de transport qu'il a employé pour venir. Ce sont des destinations, et non des lieux de passage.
Certaines régions dites éloignées le sont souvent parce que, même si elles ne sont pas aussi isolées qu'une bourgade comme Kashechewan, les routes qui les relient au reste du pays imposent une vitesse maximale. Il faut avoir conduit de Sault-Sainte-Marie ou Kapuskasing jusqu'à Thunder Bay, ou de Thunder Bay jusqu'à Kenora ou Winnipeg pour avoir une petite, une toute petite idée des immensités canadiennes.
Ces temps-ci, on déplore l'aliénation des régions. À l'ouest d'Ottawa, faudrait-il recommencer à penser à la construction d'autoroutes — ou de voies ferrées pour trains à haute vitesse? (Encore que ces dernières ne pourraient certainement pas couvrir les distances qui séparent le Moyen-nord ontarien du Manitoba. La densité de la population ne le justifierait pas au regard des contraintes de la technologie.) Oui, il y a l'effet de serre, mais plus il sera avantageux de rouler, plus les gens seront prêts à payer cher pour des voitures non-polluantes.
Et augmenter la vitesse moyenne sur les routes qui relient (et séparent) l'Est et l'Ouest du pays, ne serait-ce que de 10 km/h, rapprocherait les villes de l'Est et de l'Ouest d'au moins une heure...
Libellés : Automobile, Société