2012-10-09

 

De la rapidité du piratage littéraire... en 1899

Le DALIAF, tout comme Le XIXe siècle fantastique en Amérique française qui l'a précédé, recense comme auteur francophone d'Amérique un certain G. Viau qui a signé un conte assez court, « Suprême visite », dans le numéro 7 du premier volume du Journal le 28 septembre 1899.  (Quoique ce ne soit pas indiqué, il s'agit vraisemblablement de l'éphémère Journal de Chicoutimi, publié du 16 août 1899 au 29 mai 1902.)  Comme le nom de l'auteur est un patronyme canadien de bon aloi, il était permis de croire qu'il s'agissait effectivement d'un auteur canadien, même si des générations de bibliographes n'avaient pu déterrer la moindre indication biographique sur cet écrivain (ou cette écrivaine).

Toutefois, l'histoire en soi n'avait rien de très canadien, puisqu'elle campait des marins bretons sur une côte islandaise.  Cette absence de contenu canadien n'était pas un indice positif en tant que tel, mais il pouvait porter à réfléchir... ou à chercher plus loin.

Or, dans le numéro 460 du supplément illustré du Petit Journal français, paru le 10 septembre 1899, que retrouve-t-on en page 295 ?  Un conte intitulé « Suprême visite » signé par G. Viau.  Du coup, comme il semble peu probable qu'un auteur canadien par ailleurs inconnu soit allé se faire publier à Paris avant de se faire rééditer à Chicoutimi, il est nettement plus simple de conclure à la piraterie littéraire.  Pour un nouveau journal en quête de collaborateurs, il était sûrement plus facile de copier un texte français que les lecteurs saguenéens n'auraient sans doute pas repéré dans le Petit Journal illustré que de recruter de nouvelles plumes.  Néanmoins, l'épisode nous renseigne sur la rapidité des postes de l'époque puisque les rédacteurs du Journal de Chicoutimi avaient eu le temps de recevoir le texte, de le découper et de l'envoyer à la composition pour qu'il paraisse au Canada moins de trois semaines après sa parution en France !

Et le procédé éclaire sans doute l'origine de certaines fautes signalées par Claude Janelle dans sa critique du conte en 1999.  Quand celui-ci n'arrive pas à comprendre le sens de la phrase « Elle dépose, lasse, dans un coin, un lourd paquet dont pavent d'humides goémons (...) », c'est parce qu'on lit dans le Petit Journal « un lourd paquet dont bavent d'humides goémons ».  Dans leur précipitation, les typographes du Journal de Chicoutimi ont sans doute commis plus d'une bévue de ce genre...

Comments:
En plus du texte «Suprême visite. Nuit de tourmente» de G. Viau, il y en a deux autres qui devraient être exclu du Daliaf parce que leurs auteurs sont des Français qui n'ont jamais traversé l'Atlantique.
«La métamorphose. Conte pour les petits enfants [sic]» publié anonymement dans L'Album de la Minerve (Montréal), les 1er, 8, 16 et 30 janvier 1873, a paru originellement dans Le Musée des familles (Paris), deuxième série, vol. XI (1843-1844), livraison 9/10, p. 65 à 75. Ce conte a été écrit par Mme Émile de Girardin, né Delphine Gabrielle Gay (1804-1855)[ sources : http://books.google.ca/books?id=XbA_AAAAcAAJ&pg=PA380&lpg=PA380&dq=%22metamorphose.conte+pour+les+petits+enfants%22&source=bl&ots=GzvBfhPoqd&sig=P-ro3ev47m7G-LrX5bziuri_oGY&hl=fr&sa=X&ei=_EyAUObBMIS60AGbl4GQDg&ved=0CCcQ6AEwAg#v=onepage&q=%22metamorphose.conte%20pour%20les%20petits%20enfants%22&f=false ;
http://www.utoronto.ca/sable/recherche/banques/femmes/auteures/gira2.htm
et Wikipédia].
«La fée de Noël», signé P. dans La Minerve (Montréal), édition littéraire du samedi 22 décembre 1883, en première page, est dû à la plume de Pierre Alexis de Ponson du Terrail (1829-1871). Une édition avait été publiée par l'Imprimerie d'Arbieu, à Poissy, en 1854, dans une brochure de sept pages. L'anthologie Contes de Noël, aux éditions du Rocher (Monaco), collection «Les grands classiques» a republié ce conte (p. 29 à 44) en 1994. Les internautes peuvent lire, à l'adresse :
http://1filleetdeslivres.wordpress.com/tag/conte-de-noel/,
le résumé suivant : «Un jeune garçon cherchant quoi s'acheter avec les trois pièces d'or, reçu de son grand-père la veille de Noël, se fait conseiller par la fée de Noël qui lui apprend la générosité.»
Les Français doivent bien rirent de ses énaurmités… et ils ont bien raison.
M. Rendace
 
Excellent! Merci beaucoup pour ces nouvelles informations.
 
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