2010-01-09

 

La soupe à la tortue

En 1848, il restait de moins en moins de ces gigantesques tortues dont les explorateurs européens avaient fait de la soupe dans les mers du Sud pour naviguer au long cours, comme je l'évoquais dans un billet précédent.

C'est sans doute pourquoi la soupe à la tortue était plus populaire que jamais à Montréal en cette année de révolutions européennes, si on en juge par la petite annonce en date du 16 juin parue dans le numéro du 7 juillet de La Revue canadienne. Il y était proclamé qu'on venait de recevoir au Restaurant Compain (aussi connu sous le nom de Café Dillon, semble-t-il), sur la Place d'Armes, deux tortues, dont l'une pesant plus de 200 livres. «On en fera de la soupe qui pourra être servie tous les jours à midi.»

(Sébastien Compain, né en France vers 1810, aurait épousé en 1824 une Anglaise du nom de Catherine et aurait émigré au Canada vers 1848. Ainsi, il bénéficiait peut-être de l'attrait de la nouveauté en 1848 tout en cherchant par toutes les occasions à se faire de la réclame... En principe, Compain s'occupait de l'Hôtel Monklands sis au 10 Place d'Armes tandis qu'un collaborateur, Gianelli, s'occupait du restaurant associé, mais il semble bien que la rédaction de La Revue canadienne voyait les choses autrement. En tout cas, l'annonce de l'arrivage de tortues du 16 juin a été reprise plusieurs fois, au moins jusqu'au 4 août...)

Je ne sais pas quel goût aurait eu la soupe trois semaines (ou plus) après l'arrivage en question, ou s'il en serait resté, mais cela laisse songeur. Une fois de plus, que les tortues en question aient été d'origine canadienne (encore que les tortues luth qui fréquentent les côtes de l'Atlantique Nord l'été et auraient le poids requis passent pour avoir une chair impropre à la consommation humaine) ou importées d'outremer, on prend la mesure de cette première mondialisation qui préfigurait déjà, au XIXe s., la délocalisation de presque tout au cours du XXe. Et l'entêtement à exploiter une ressource jusqu'au bout...

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Comments:
Les Romains importaient déjà des huîtres des quatre coins de l'empire et organisaient des soirées où il fallait deviner la provenance de celles qui étaient servies.

S'ils n'ont pas décimé la ressource, c'était un manque de moyen, pas de volonté.

On n'apprend décidément pas...
 
Justement, ce qu'il y a de neuf avec la première mondialisation, c'est le changement d'échelle des moyens, quand la vapeur et la réfrigération permettent d'opérer à l'échelle des continents, voire du monde. Les Romains faisaient de leur mieux, mais la Méditerranée n'est quand même pas si grande...

Par contre, il existe au moins une ressource que les Romains ont bel et bien surexploité jusqu'à la disparition : celle de l'herbe contraceptive, voire abortive, dite silphium (ou silphion)...
 
Ah oui, merci de me rappeler ce cas. J'essayais justement de me rappeler du nom de la plante l'autre jour! :)
 
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