2025-04-22
Pendant qu'il est encore temps
Il est toujours temps d'agir pour atténuer les effets de la crise climatique.
J'ai vu quelques films sérieux sur le climat ou les déprédations écologiques au fil des ans, dont An Inconvenient Truth d'Al Gore en 2006 ainsi que sa suite, An Inconvenient Sequel, en 2017 ; Before the Flood en 2016, produit par un aréopage de célébrités et de personnalités ; et A Life on the Planet de David Attenborough en 2020. Je ne mentionnerai pas les fictions cinématographiques, parfois allégoriques (comme Don't Look Up), parfois catastrophistes (comme The Day After Tomorrow en 2004) et parfois catastrophiques, comme le long métrage québécois Truffe (2008) de Kim Nguyen.
Dans cette catégorie, toutefois, les productions québécoises sont rares. Le nouveau long métrage de François Delisle, Le Temps (2024), est une fiction qui innove par son engagement et par les qualités de la réalisation. En même temps, il s'agit peut-être du meilleur film de science-fiction québécois des trente à quarante dernières années.
Sa sortie officielle de vendredi dernier coïncide avec le Jour de la Terre et quatre projections spéciales suivies d'une rencontre avec François Delisle ont été programmées pour le 21 avril (à Montréal au Cinéma du Parc et à Québec au Clap de Sainte-Foy, où je l'ai vu hier), pour le 22 avril (à Montréal à la Cinémathèque québécoise), pour le 23 avril au Cinéma moderne et pour le 4 mai au Cinéma public.
Tout d'abord, donc, c'est un film sérieux. On évacue les pitreries de Truffe ou Dans une galaxie près de chez vous. Ensuite, on explore les conséquences humaines du réchauffement climatique, sans trop d'exagérations et en illustrant l'envergure mondiale du phénomène. Quatre trames temporelles s'entrecroisent. En 2019, Marie va tomber enceinte et accoucher durant la pandémie. Atteinte par la solastalgie, elle va s'inquiéter pour l'avenir de son enfant et l'éco-anxiété va l'isoler petit à petit de son conjoint et de ses proches. La narration assurée par Mylène Mackay est en français québécois.
Selon l'entrevue avec Delisle après le film, les visions du futur qui s'enchaînent ensuite, datées de 2042, 2088 et 2174, outre un épilogue en 2082, pourraient représenter des scénarios imaginés par Marie. Quoi qu'il en soit, chacun d'eux correspond à des points tournants. En 2042, on suit un métis d'ascendance partiellement viêtnamienne qui tente de fuir vers le nord, sans doute en quittant les États-Unis, car il se retrouve dans les Badlands (très reconnaissables) de l'Ouest canadien : la narration est en anglais nord-américain. En 2088, après la « Purge » de 2042, le journaliste et informateur McKenzie documente la réalité hors les murs pour un État autoritaire et dystopique qui essaie de surnager malgré l'effondrement général : la narration est en anglais britannique. En 2174, le personnage de Kira erre dans un décor post-apo, recrutée comme soldate et affectée à des massacres génocidaires, avant de rejoindre un groupe de survivants qui cherchent à préserver un peu d'humanité dans un monde dépeuplé, où ils constituent Phronesis Village (du mot grec pour désigner la prudence, la prévoyance ou la sagacité). La narration est en russe, je crois, puisque j'ai reconnu quelques mots.
Outre l'anticipation et le multilinguisme, Delisle a opté pour un film constitué de photos (en couleurs) et de quelques vidéos (captées par l'implant de McKenzie, a priori). Ceci rappellera évidemment la technique choisie par Chris Marker pour réaliser La Jetée en 1962, qui était aussi un film apocalyptique et post-apo, voire dystopique. Ces instantanés qui hachent l'action, laquelle repose du coup surtout sur la trame sonore continue, nous incitent à nous appesantir sur chaque image. Certaines sont belles et d'autres restent énigmatiques.
Dans la trame contemporaine, Marie s'engage dans la révolte en rejoignant la branche québécoise d'Extinction Rebellion. En 2088, McKenzie opte aussi pour un appel à la révolte dans l'espoir de changer les choses. En 2174, Kira aura un enfant métis dont le beau visage nous apparaît en 2182 alors qu'il admire des chevaux (sauvages ?) dans une enclave rendue à la nature.
Après la projection du film, il y avait une transmission de l'entrevue menée par Josée Blanchette (Le Devoir) avec Delisle et Karim Chaieb d'Équiterre. Delisle a évoqué la nécessité d'une justice climatique et la « crise du déni climatique ». Selon lui, les photos successives devaient permettre de ménager un espace temporel pour la réflexion. Pour les séquences québécoises, il a recruté des membres d'Extinction Rebellion au Québec pour faire un peu de figuration vraisemblable tout comme il a recruté de vrais policiers pour les mêmes scènes. Dans la salle à Montréal, quelqu'un a commenté que le film était tout à la fois insoutenable et pas assez. Ce qui me semble assez juste.
Néanmoins, j'aimerais croire que le film aura un impact au Québec. Au minimum, il serait temps de rappeler à la CAQ de Legault et aux Libéraux de Carney que la crise climatique n'a pas été abolie par Trump.
Libellés : Effet de serre, Films, Québec
2019-09-20
Les changements climatiques, le mur de Trump et le Brexit
Même si le mur de Trump à la frontière sud des États-Unis tient du bluff et du prétexte électoraliste, faut-il croire pour autant que tous les électeurs de Trump n'étaient motivés que par la xénophobie et le racisme ? La France a exporté avec un certain succès la théorie du grand remplacement remise au goût du jour par Renaud Camus et l'idée a trouvé des adhérents aux États-Unis. Même si elle profite d'une répugnance viscérale à l'arrivée de personnes d'autres origines chez certains blancs, elle bénéficie aussi d'autres discours. Depuis le temps que les climatologues lancent des avertissements au sujet des réfugiés climatiques, faut-il s'étonner que même les indécis ou les climato-sceptiques qui ne croient pas à la contribution humaine au réchauffement aient intégré que les changements climatiques chasseraient des milliers de personnes de chez eux ? Voire des millions ?
En Amérique centrale, la croissance démographique fait partie du problème. Entre 1988 et 2018, la population des États-Unis a augmenté de 33%, celle du Canada de 37%, celle du Mexique de 54% et celle de l'Amérique centrale de 71%. Ou pour le dire autrement, la population du Canada était de 27 millions de personnes en 1988 et celle de l'Amérique centrale de 28 millions, soit presque la même. L'an dernier, la population du Canada atteignait 37 millions de personnes, mais celle de l'Amérique centrale était passée à 48 millions de personnes.
Comme les changements climatiques compliquent l'agriculture de subsistance et l'agriculture commerciale (du café, par exemple), la Banque mondiale évalue que le nombre de migrants climatiques en provenance de l'Amérique centrale pourrait atteindre les 2 à 4 millions de personnes d'ici 2050. Il s'agirait d'un chiffre en soi majeur : ce serait dans le pire des scénarios l'équivalent des réfugiés et migrants qui ont quitté le Vénézuela ces dernières années. Et ce ne serait qu'une part des réfugiés climatiques originaires d'autres régions des Amériques ou du monde.
Tandis que les experts se demandent s'il faudrait traiter les réfugiés climatiques comme des réfugiés politiques et si les mesures humanitaires habituelles, qui présupposent un retour éventuel dans le pays d'origine quand une crise s'apaise, seraient adaptées aux migrations climatiques, les électeurs de Trump se sont opposés à une immigration massive appréhendée... même si, dans les faits, le nombre de personnes interceptées à la frontière des États-Unis baisse depuis le début du siècle. Mais ce sont de moins en moins des travailleurs illégaux qui essaient d'entrer aux États-Unis et de plus en plus des familles qui sollicitent l'asile.
La réaction des États-Unis incorpore-t-elle une inquiétude latente au sujet des migrants climatiques de demain ? Ce n'est pas entièrement clair, mais le vote pro-Trump annonce la couleur pour après-demain. Si on ne réfléchit pas aujourd'hui à la gestion de la migration climatique, la majorité votera pour qu'on ferme la porte et construise des murs.
Ce qui est plus clair, c'est que le vote pour le Brexit au Royaume-Uni a profité amplement d'une campagne de peur orchestrée par les partisans de la sortie de l'Union européenne qui attisait la crainte de l'arrivée de réfugiés syriens. Comme dans le cas de l'Amérique centrale, le réchauffement planétaire n'est qu'un facteur parmi plusieurs autres qui peuvent expliquer l'éclatement de la guerre civile et le départ de millions de réfugiés. (La croissance démographique syrienne n'est qu'approximativement connue, mais on croit que la population syrienne était passée de 12 millions vers 1990 à 22 millions vers 2012, ce qui représenterait une augmentation de 83%.) Pour l'instant, il faut qu'un pays soit fragilisé par la croissance démographique et par des dissensions internes pour que les changements climatiques déclenchent un exode. Dans les années à venir, les événements climatiques extrêmes pourraient l'emporter sur les autres facteurs.
Du coup, la réaction anglaise n'est pas sans rappeler le fantasme présent chez certains milliardaires d'un départ de la Terre pour Mars afin d'échapper à l'effondrement. Ne trouvait-on pas dans les discours britanniques l'idée que le Brexit permettrait à la Grande-Bretagne de larguer les amarres et de voguer vers le grand large ? Quand Johnson soutenait que « Britain thinks it is time to talk about the future. It is time to float this ship down the slipway and on to open seas and get it moving. », c'était bien entendu une métaphore, mais une métaphore révélatrice. Pour échapper aux réfugiés et aux effets du réchauffement climatique, la population britannique aimerait pouvoir se détacher de l'Europe et s'éloigner des sources de migrants climatiques.
Elle ne le pourra pas, bien entendu, mais elle peut compter sur la Manche comme fossé, à défaut d'un mur. En outre, de la même façon que le Canada peut interposer les États-Unis entre lui et les pays du sud, les Brexiteers du Royaume-Uni comptent au fond sur l'Europe continentale pour absorber les flux migratoires. À long terme, ce ne sera qu'un pis-aller et même les pays du nord les plus à l'abri devront réagir. En attendant, les conséquences du réchauffement climatique commencent à nous pendre au nez et il serait temps que l'aveuglement cesse.
Libellés : Effet de serre, Futurisme
2019-01-30
Mes fictions climatiques
Mon premier texte dans cette veine, longtemps avant qu'il soit question de cli fi (climate fiction), c'est sans doute une nouvelle en anglais, « Remember, the Dead Say » (dans l'anthologie Tesseracts 4, Beach Holme Publishers, 1992, puis réimprimée dans l'anthologie Northern Stars, Tor, 1994). Je l'ai traduite des années plus tard pour la faire paraître dans Galaxies 42, n.s., sous le titre « Se rappeler les morts parce qu'ils le veulent » en 2016.
Je m'intéressais au sujet depuis la fin des années 1980. Comme journaliste étudiant à La Rotonde de l'Université d'Ottawa, j'avais publié en février 1988 le compte rendu suivant d'une conférence sur le sujet.
(Oui, le Guy Caron qui signe l'article coiffant le mien est bien le chef parlementaire actuel du NPD fédéral.)
Un an plus tard, en décembre 1989, je signais l'article suivant pour un journal éphémère d'Ottawa, The Ottawa Orator.
J'étais donc bien informé au moment d'écrire cette nouvelle parue en 1992 où il était question de réchauffement du climat et de feux de forêt, entre autres. Pourtant, un long hiatus a suivi, parce que le protocole de Kyoto était censé nous mettre sur la bonne voie et qu'on pouvait encore espérer que les efforts conjugués de l'Europe et de quelques autres pays allaient nous éviter les scénarios du pire dans le cas du réchauffement. De fait, je ne peux identifier aucun autre texte dans cette veine avant la nouvelle « Les noms de la proie » parue dans Solaris 160 en 2006. Comme plusieurs autres fictions climatiques, elle sera reprise dans mon recueil Les Marées à venir en 2009.
C'est le début d'une période plus féconde. Également en 2006, ma nouvelle « La goutte d'eau » (dans Brins d'éternité 10 et Géante rouge 5, aussi reprise dans Les Marées à venir) fait état de réfugiés climatiques en pleine mer. En 2007, ma nouvelle « Les galions de la mer de sable » paraît dans un numéro hors-série sur le thème des « Pirates » dans la revue Phénix, aussi reprise dans Les Marées à venir. En 2008, c'est au tour de la nouvelle primée « Le dôme de Saint Macaire » dans Solaris 167, reprise dans Les Marées à venir ainsi que dans l'anthologie française Le Nucléaire et après (Arkuiris, 2016) et, en version anglaise, dans l'anthologie Fractured: Tales of the Canadian Post-Apocalypse (Exile Editions, 2014) sous le titre « St. Macaire's Dome ». En 2009, ma nouvelle « Soldats des bois, de la mer et du ciel » sort dans Galaxies 3, n.s., tandis que « Qui garde les gardiens », apparaît au sommaire des Marées à venir (Vermillon, 2009).
Si la publication des Marées à venir représente un jalon, elle ne met pas une borne à mon exploration de cette veine. Le réchauffement planétaire demeure un souci. Ma nouvelle primée « Le jardin des derniers humains » sort dans Solaris 183 en 2012 tandis que sa version anglaise, « Watching Over the Human Garden », est publiée dans l'anthologie Blood and Water (Bundoran Press, 2012). En traduction italienne par Alda Teodorani, sous le titre « Custode del giardino umano », elle fait partie de mon mini-recueil numérique Le Nevi del tempo che fu (Future Fiction, 2017). De même, ma nouvelle « Trois relations de la fin de l'écrivain », sortie dans l'anthologie Utopiales 13 (ActuSF, 2013), connaît une traduction catalane de Clara Boia, sous le titre « Tres apunts sobre la mort de l'autor », dans Catarsi 18 en 2016 et une traduction italienne de Teodorani sous le titre « Tre resoconti sulla morte dello scrittore » dans Le Nevi del tempo che fu.
Les feux de forêt — « Remember, the Dead Say »
Libellés : Effet de serre, Livres, Science-fiction
2015-05-25
Le monde de demain
Tomorrowland relève très clairement de ce second volet de la science-fiction. Si des séries comme Hunger Games et Divergent sont des dystopies qui entérinent la révolte, un film comme Interstellar a tenté de répondre à un avenir dystopique par un pari sur l'exploration spatiale dont le succès devait ressusciter le sense of wonder de la science-fiction d'hier. En revanche, Tomorrowland fait du discours dystopique en tant que tel son ressort dramatique et injecte donc une dose massive de réflexivité dans le débat en cours sur le besoin d'optimisme dans la science-fiction actuelle ou dans les débats sur l'environnement et le réchauffement climatique.
En effet, le film est son propre sujet. Le film nous présente une cité idéale, fondée et animée par les plus grands esprits de l'humanité, des scientifiques et des inventeurs libérés des vieilles contraintes politiques (un leitmotiv des anticipations wellsiennes ou du mouvement technocratique d'avant la Seconde Guerre mondiale), mais cette « Tomorrowland » d'inspiration disneyesque n'est pas le monde de demain, puisqu'elle existe dans une autre dimension. Du coup, elle apparaît comme une allégorie assez claire du progrès anticipé par des personnages tels que Jules Verne, Gustave Eiffel, Thomas Edison et Nikola Tesla, présentés comme les fondateurs de Tomorrowland. Cette combinaison de la science-fiction, de l'ingénierie et de l'invention débridée — incarnée par quatre hommes blancs du XIXe siècle — est toutefois menacée par le désespoir de l'humanité menacée par un ensemble de dangers à l'aube du XXIe siècle.
Le film nous révèle le dépérissement de la cité des sciences et de la technologie lorsque, vers 1980, l'avenir apparaît de plus en plus sombre et l'humanité de moins en moins disposée à agir pour contrer les dangers qui la menacent. Toutefois, l'intrigue du film débute en 1964, à l'Exposition universelle de New York organisée vingt-cinq ans après celle de 1939 qui allait lancer les congrès mondiaux de science-fiction et qui avait eu pour thème « The World of Tomorrow »... Un jeune inventeur, Frank Walker, âgé de 11 ans, se rend à l'Exposition universelle pour soumettre une invention de son cru. Une jeune fille prénommée Athena lui permet de visiter Tomorrowland. La suite des choses ne sera éclaircie que cinquante ans plus tard, quand l'optimisme foncier d'une adolescente du nom de Casey attirera l'attention de l'ultime survivante de la Tomorrowland originelle.
Si l'intrigue du film fait appel à des merveilles techniques et des prodiges scientifiques, ceux-ci sont rarement justifiés. De la téléportation entre les États-Unis et la France à la création d'un portail trans-dimensionnel qui permet à un super-ordinateur de surveiller la Terre mais aussi d'influencer sa culture, les artifices techniques permettent de faire avancer l'intrigue bon gré mal gré, sans jamais devenir des enjeux en soi. La question de l'optimisme demeure centrale, toutefois, au point de réduire la science-fiction à un ingrédient de l'optimisme rationnel.
La culture science-fictive de Brad Bird est inattaquable. Avant de citer Verne, il affuble un robot meurtrier d'un nom d'emprunt révélateur : Hugo Gernsback. Du coup, on songe à la nouvelle de William Gibson, « The Gernsback Continuum », qui portait sur le refus du futur étincelant proposé à l'époque de Gernsback. Dans la nouvelle de Gibson, le futur annoncé par les édifices futuristes d'une époque révolue se laisse entrevoir, comme les aperçus de Tomorrowland qui appâtent Casey. Le personnage de Gibson rejette le futur trop simpliste d'une science-fiction vétuste pour lui préférer un présent plus complexe et plus sale, aux sources du cyberpunk. Le film de Brad Bird soutient toutefois que ce rétro-futur présentait du moins l'avantage de permettre d'anticiper l'avenir avec espoir. La visite d'un Tomorrowland virtuel par Casey m'a d'ailleurs rappelé les premières pages de Space Cadet, où les personnages de Robert A. Heinlein proviennent d'un peu partout dans le système solaire et envisagent des existences aventureuses consacrées à des voyages inédits.
Toutefois, Tomorrowland s'arrime beaucoup plus clairement aux débats actuels dans le milieu professionnel de la science-fiction. Aux États-Unis, Neal Stephenson a inspiré le projet Hieroglyph, qui a déjà accouché d'une anthologie de nouvelles de science-fiction destinées à ranimer les espoirs de progrès scientifiques et techniques. En France, il y a eu l'anthologie Rêver 2074 dont j'ai déjà parlé, ainsi que l'anthologie à venir sur le thème des « Avenirs radieux », réunie par Patrice Lajoye. On pourrait même invoquer la tentative de détournement des prix Hugo par les Sad Puppies puisque ceux-ci ont revendiqué une science-fiction plus traditionnelle, ce qu'il faut sans doute comprendre comme une science-fiction plus positive ou optimiste. Il n'est sûrement pas innocent que l'optimisme se confonde dans ce dernier cas avec un retour aux valeurs du passé.
La question de l'optimisme mobilise aussi les futurologues et prospectivistes. En France, l'Institut des Futurs souhaitables fondé par Mathieu Baudin a pour but d'insuffler de l'optimisme et une vision à long terme dans les débats publics. Enfin, des débats parallèles agitent la communauté de scientifiques concernés par le changement climatique. Faut-il souligner les pires conséquences du réchauffement planétaire, au risque de démobiliser et démotiver ?
Vers la fin du film, Hugh Laurie livre une tirade lourde de sens et d'ironie. Si le personnage de Nix qu'il incarne est ostensiblement le grand méchant dont l'intrigue conventionnelle de Tomorrowland avait besoin, sa désillusion explique son pessimisme. L'humanité l'a déçu. (Le nom du personnage exprime à la fois le négativisme — en anglais, to nix signifie refuser, rejeter, dire non — et le versant sombre, nocturne, de l'humanité, le grec nyx renvoyant à la nuit.) Lorsque les scientifiques ont accumulé les faits et les raisonnements, expliqué les résultats éventuels de l'inaction et proposé des démarches, ils ont suscité tout au plus l'inertie, voire l'opposition active. Aux yeux de Nix, l'humanité ne se contente pas de marcher à sa perte, elle y court et il serait vain de se mettre en travers.
Néanmoins, la jeune Casey Newton et Frank Walker, plus vieux et plus sage, finissent par s'entendre pour relancer le projet de Tomorrowland : recruter les esprits les plus brillants, créatifs et constructifs pour chercher une issue et, plus généralement, les moyens d'édifier un monde meilleur. Bref, Brad Bird affirme qu'à défaut d'une solution toute faite, il faut au minimum croire qu'il y en a une et qu'il est possible de la chercher.
Tomorrowland tente de fonctionner sur deux plans. Il s'agit à la fois de poser un diagnostic et de proposer un remède, et d'incarner le tout dans un film qui illustrera la nature du remède. Il me semble clair qu'il réussit à merveille à prêcher aux convaincus : celles et ceux qu'habite depuis longtemps la conviction que le pessimisme et le cynisme prennent trop de place seront ravis de voir la thèse contraire portée à l'écran et défendue avec talent. Ce n'est pas aussi clair que le film saura faire des convertis. Néanmoins, comme il s'inscrit dans une tendance un peu balbutiante, il va peut-être s'ajouter à la chute de cailloux qui déclenchent finalement un éboulement susceptible de changer les choses.
Libellés : Effet de serre, Films, Futurisme, Science-fiction
2015-04-02
Quelques nouvelles de l'écrivain en 2015
D'autre part, au Canada, la revue Brins d'éternité publiera (normalement) ma nouvelle « La lumière du vide » dans son numéro 41. Il s'agira de science-fiction mundane dont le personnage posera pourtant le pied sur un autre monde, ou presque. Et il s'agit presque de science-fiction dure comme je n'en avais pas signé depuis longtemps. (On peut s'abonner à Brins d'éternité.)
Enfin, aux États-Unis, ma nouvelle « The Snows of Yesteryear » d'abord parue dans l'anthologie Carbide-Tipped Pens (Tor, 2014), réunie par Ben Bova et Eric Choi, connaîtra une seconde vie dans l'anthologie Loosed Upon the World chez Saga Press, une nouvelle collection (.PDF) de science-fiction et de fantasy chez Simon and Schuster. L'ouvrage doit paraître le 25 août prochain et j'en profite pour saluer les anthologistes Bova et Choi, ainsi que l'éditeur Tor, qui ont permis cette réédition durant la période d'exclusivité accordée à Carbide-Tipped Pens.
L'anthologiste John Joseph Adams a réuni plusieurs nouvelles sur le thème du réchauffement planétaire et des changements climatiques. Le sommaire compte de belles plumes et de gros noms, plusieurs Canadiens et un seul Français :
- « Shooting the Apocalypse »—Paolo Bacigalupi
- « The Myth of Rain »—Seanan McGuire
- « Outer Rims »—Toiya Kristen Finley
- « Kheldyu »—Karl Schroeder
- « The Snows of Yesteryear »—Jean-Louis Trudel
- « A Hundred Hundred Daisies »—Nancy Kress
- « The Rainy Season »—Tobias S. Buckell
- « The Netherlands Lives With Water »—Jim Shepard
- « The Precedent »—Sean McMullen
- « Hot Sky »—Robert Silverberg
- « That Creeping Sensation »—Alan Dean Foster
- « Truth or Consequences »—Kim Stanley Robinson
- « Entanglement »—Vandana Singh
- « Staying Afloat »—Angela Penrose
- « Eighth Wonder »—Chris Bachelder
- « Eagle »—Gregory Benford
- « Outliers »—Nicole Feldringer
- « Quiet Town »—Jason Gurley
- « The Day It All Ended »—Charlie Jane Anders
- « The Smog Society »—Chen Qiufan
- « Racing the Tide »—Craig DeLancey
- « Mutant Stag at Horn Creek »—Sarah Castle
- « Hot Rods »—Cat Sparks
- « The Tamarisk Hunter »—Paolo Bacigalupi
- « Mitigation »—Tobias Buckell & Karl Schroeder
- «Time Capsule Found on the Dead Planet »—Margaret Atwood
Libellés : Écriture, Effet de serre, Science-fiction
2012-09-09
Les adaptations au réchauffement climatique
Qu'est-ce que cela signifie pour la suite des choses ? Si la végétation déjà sur place peut prendre la relève quand le climat se réchauffe et rend impossible la survie des plantes adaptées au froid, cela voudrait dire que l'extension vers le nord de la flore ne sera pas limitée par le rythme annuel des germinations et dispersion des graines. Toutefois, cela ne s'applique pour l'instant qu'à la zone de transition entre la forêt boréale et la toundra. La forêt caducifoliée du sud dispose-t-elle de têtes de pont semblables dans la forêt boréale ? Je l'ignore, même s'il existe des enclaves et des microclimats qui représentent des avancées potentielles — au Canada, il y a le fjord du Saguenay et la région du lac Saint-Jean, ou encore la vallée du Mackenzie.
Bien entendu, quand on se trouve dans les régions les plus chaudes du globe, il n'y a plus de zones encore plus chaudes dont les plantes pourraient migrer afin de coloniser les abords de l'Équateur quand le réchauffement se fera sentir...
Libellés : Effet de serre
2012-08-12
Pendant ce temps, au nord de chez nous
Mais ce n'est pas tout. Un nouveau satellite européen suit depuis peu l'évolution non pas de la superficie des glaces de l'Arctique mais de leur volume. La déperdition en volume a lieu si rapidement qu'une extrapolation linéaire (sans doute simpliste, quoique...) prédirait une disparition des glaces estivales d'ici une décennie. Il s'agit d'un phénomène dont la rapidité a été sous-estimée par les meilleurs modèles des climatologues, ce qui doit nous rappeler que si ces modèles peuvent parfois surestimer les changements climatiques à venir, ils peuvent parfois aussi être en deçà de la vérité.
Comme c'est un sujet que je suis sur ce blogue depuis cinq ans au moins, se dire que d'ici dix ans (soit une période deux fois plus longue), tout l'Océan Arctique pourrait être navigable l'été, cela donne le vertige. Dans la figure ci-dessus, il n'y a qu'à comparer l'épaisseur des tracés entre le début des mesures et l'année 2011, et la distance qui reste entre le minimum de 2011 et le niveau zéro, pour se convaincre de l'inexorabilité de la tendance...
Libellés : Effet de serre, Environnement
2012-04-22
Jour de la Terre
Je fais partie des auteurs consultés. Même si les écrivains de science-fiction sont parfois accusés de privilégier des solutions techniques aux problèmes, plusieurs interventions rappellent le contexte politique : la volonté politique (ou son absence) fait partie de l'équation. Et il me semble assez clair que les solutions les plus grandioses sont en fait des réponses à une situation future perçue comme désespérée. Si l'humanité continue à se fermer les yeux et si l'effet de serre continue à empirer, nous serons bien obligés d'envisager des options extrêmement dangereuses.
En date d'aujourd'hui, quand je consulte le site des moyennes hebdomadaires (brutes) des concentrations de gaz carbonique observées au sommet du volcan Mauna Loa, au centre de l'océan Pacifique, je trouve que la concentration de la semaine du 8 avril dernier était de 396,5 p.p.m. À la même date l'an dernier, la moyenne était de 392,6... Quoi qu'il arrive au climat à court terme et quoi qu'il fasse comme temps aujourd'hui (il a neigé hier soir à Québec), le potentiel de réchauffement à venir ne cesse d'augmenter.
Libellés : Effet de serre, Environnement
2011-01-21
Du génie génétique authentique ?
Ces bactéries chimériques, si je puis dire, existeraient dans un milieu aqueux et seraient capables de convertir un flot gazeux à haute teneur en gaz carbonique en éthanol ou, à terme, en hydrocarbures à condition de bénéficier d'une illumination suffisante (pas uniquement solaire). En principe, la compagnie croit pouvoir produire de l'éthanol ou des hydrocarbures à un prix correspondant à 30 dollars le baril environ.
Si elle n'est pas tout bonnement chimérique, cette invention aurait des conséquences fascinantes. Sur le plan économique, une source significative et durable d'hydrocarbures à 30 dollars le baril sonnerait le glas des tentatives d'exploiter des sources d'hydrocarbures plus coûteuses comme les sables bitumineux de l'Alberta, les gisements en mer profonde ou les schistes bitumineux. Sur le plan environnemental, ces bactéries pourraient absorber une partie des rejets en gaz carbonique, ralentissant les émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, même si on ne trouverait pas forcément dans la nature des sources à haute teneur en gaz carbonique, on peut se demander si ses bactéries seraient capables de fonctionner au moins un peu hors de leurs enceintes en présence du gaz carbonique présent dans l'atmosphère, ce qui, d'une part, pourrait réduire la teneur en gaz carbonique de l'atmosphère... tout en polluant, d'autre part, l'environnement avec des rejets d'hydrocarbures. Autrement dit, ces bactéries seraient-elles capables d'accoucher de mini-marées noires en proliférant sauvagement dans les océans?
En tout cas, les inventeurs semblent tabler sur l'exploitation des contextes existants producteurs de flots gazeux à haute teneur en gaz carbonique. Mais ces milieux ne sont pas infiniment nombreux. À plus long terme, cela voudrait dire que ces organismes ne feraient que retarder le pic pétrolier. Ou qu'il faudrait tenir compte des coûts propres à une installation concentrant le gaz carbonique, ce qui pourrait augmenter le coût de revient de l'éthanol et des hydrocarbures allégués.
Néanmoins, ces organismes représenteraient un succès éclatant pour l'ingénierie génétique puisque leurs concepteurs auraient greffé à une variété de microbes des capacités très complètes propres à une tout autre variété. Et ils pourraient établir que l'ingénierie génétique commence à remplir les promesses que l'on entend depuis plusieurs décennies...
Libellés : Effet de serre, Technologie
2010-04-04
L'écume du temps qu'il fera
Plus précisément, il s'agirait d'injecter des bulles microscopiques dans les eaux de surface des mers afin de les rendre plus brillantes (d'où le nom du concept, « Bright Water »), et donc plus réfléchissantes. En augmentant le nombre de ces bulles plus petites encore que celles trouvées dans l'écume habituellement, on accroîtrait l'albédo de la Terre (qui porte particulièrement mal son nom dans ce cas-ci, puisque la Terre pourrait être sauvée par l'importance de ses mers...). En réduisant l'échauffement des eaux de surface, ces micro-bulles permettraient également de juguler l'évaporation de l'eau douce des lacs et des rivières, ce qui ne serait pas sans importance pour la conservation des ressources hydriques dans les pays chauds, et même sous des latitudes plus tempérées.
Du point de vue de la pratique, la création du nombre requis de bulles ne serait pas trop énergivore, mais le plus gros point d'interrogation concerne la durée de vie de ces micro-bulles, une fois formées, car la longévité des bulles naturelles varie beaucoup. Comme quoi, une idée peut accoucher d'un projet de recherche susceptible d'employer un scientifique de plus — si cette nouvelle convention d'Asilomar n'entraîne pas des nouvelles règles décourageant de telles interventions.
Libellés : Effet de serre, Environnement
2010-03-23
Anticiper les conséquences
D'une part, selon le numéro du 19 mars dernier de la revue Science, Monsanto admettait avoir observé chez des insectes dans certaines régions de l'Inde une tolérance acquise au coton Bollgard que la compagnie a commercialisé en Inde. Comme il s'agit d'une tolérance à une seule protéine exprimée par un gène pris au bacillus thuringiensis d'ordinaire mortel pour les insectes nuisibles, la compagnie en fait un argument de vente pour le coton Bollgard II, qui incorpore deux gènes. C'est une autre victoire pour... la théorie de l'évolution, et une autre illustration des conséquences difficilement évitables de l'adoption de certaines technologies. Il n'y a pas de panacées.
D'autre part, un océanographe de l'Ontario, Charles Trick, rapportait (.PDF) la semaine dernière dans les Proceedings of the National Academy of Sciences que l'injection de fer dans les eaux de surface de l'Océan Pacifique afin de stimuler la croissance du phytoplancton — une mesure préconisée par certains pour absorber l'excès de gaz carbonique dans l'atmosphère — stimulerait aussi la production d'acide domoïque par les diatomées du genre Pseudo-nitzschia. Or, cet acide est neurotoxique, et même mortel pour les humains en quantités suffisantes. (En 1987, la consommation par des habitants de l'île du Prince-Édouard de fruits de mer ayant concentré cet acide a entraîné la mort de trois personnes et l'intoxication de plus d'une centaine d'autres.) En particulier, l'acide domoïque affecte la mémoire à court terme, provoquant des formes d'amnésie pouvant rappeler celle de Henry Molaison. La production d'acide domoïque serait encore plus importance quand le fer est additionné de cuivre, ce qui est souvent le cas de la grenaille de fer la moins chère.
Par conséquent, il faut modérer les espoirs investis dans cette mesure potentielle de réduction du gaz carbonique atmosphérique (ou dans l'agriculture marine en général). Néanmoins, je trouve rassurant que l'on explore désormais les conséquences d'une nouvelle technologie avant sa mise en œuvre, et non après (le cas des OGM de Monsanto pouvant servir de contre-exemple, même si cela se discute). Si l'acide domoïque affecte la mémoire à court terme, de telles études démontrent que, comme société, notre mémoire n'est pas si mauvaise, en définitive...
Libellés : Effet de serre, Sciences
2010-02-01
L'appréhension de l'avenir
Cela fait un certain temps que le futur n'est plus ce qu'il était. On peut certes s'extasier sur cette superbe animation qui montre l'assemblage de la Station spatiale internationale, mais sa construction qui a débuté en 1998 (et se terminera en 2011, en principe) aura été plus longue que sa vie utile (qui doit s'achever en 2020). Et contrairement aux rêves de Tsiolkovsky et von Braun, cette station n'aura pas été un marche-pied vers les étoiles, ou tout bonnement vers une autre planète. Rien qu'une banlieue artificielle de la Terre...
Les prévisions d'hier sont-elles toutes infondées? Les plus optimistes, peut-être, mais les plus pessimistes ont parfois été confondantes de justesse. En 1901, le scientifique suédois Nils Ekholm (moins connu que son contemporain Svante Arrhenius qui a travaillé sur le même sujet) a déjà saisi le mécanisme fondamental à l'origine de l'effet de serre et il l'explique sans recourir aux vulgarisations simplificatrices qu'on entend encore parfois aujourd'hui :
« radiation from the earth into space does not go directly from the ground, but on the average from a layer of the atmosphere having a considerable height above sea-level. . . The greater is the absorbing power of the air for heat rays emitted from the ground, the higher will that layer be. But the higher the layer, the lower is its temperature relatively to the ground; and as the radiation from the layer into space is the less the lower its temperature is, it follows that the ground will be hotter the higher the radiating layer is. »
Mais si Ekholm en tirait la conclusion évidente, il voyait plutôt le réchauffement d'un bon œil :
« . . . the present burning of pit-coal is so great that in one year it gives back to the atmosphere about one one-thousandth of its present store of carbonic acid. If this continues for some thousand years it will undoubtedly cause a very obvious rise of the mean temperature of the earth. Also Man will no doubt be able to increase the supply of carbonic acid also by digging of deep fountains pouring out carbonic acid. Further, it might perhaps be possible for Man to diminish or regulate the consumption of carbonic acid by protecting the weathering layers of silicates from the influence of the air and by ruling the growth of plants according to his wants and purposes. Thus it seems possible that Man will be able efficaciously to regulate the future climate of the earth and consequently prevent the arrival of a new Ice Age. By such means also the deterioration of the climate of the northern and Arctic regions, depending on the decrease of the obliquity of the ecliptic, may be counteracted. It is too early to judge of how far Man might be capable of thus regulating the future climate. But already the view of such a possibility seems to me so grand that I cannot help thinking that it will afford to Mankind hitherto unforeseen means of evolution »
Après tout, quand on vit à deux doigts du cercle polaire...
Même si le réchauffement devait améliorer l'environnement de quelques pays nordiques, on a d'autres raisons de prédire des avenirs fort peu radieux à l'Europe de 2101. Dans cet article de Fred Pearce paru dans le Guardian (un extrait du livre Peoplequake, sur l'implosion démographique à venir), l'auteur envisage le dépeuplement de l'Europe. De fait, si les tendances se maintiennent, l'apocalypse démographique n'aura pas lieu et la population mondiale commencera à baisser d'ici la moitié du siècle. En Europe, ce sera la dégringolade, le piqué, la chute libre...
Mais si la population du monde est plus petite en 2101 (cinq milliards, par exemple) qu'en 2001, cela signifie mécaniquement que la pression exercée par l'humanité devrait se relâcher, et que les cibles de réduction des gaz à effet de serre seront plus faciles à atteindre. Après tout, si on veut réduire d'ici 2050 la consommation par rapport à 1990, ce n'est qu'un objectif ponctuel. Il s'agit en fait de stabiliser le volume des émissions de gaz carbonique. À plus long terme, revenir durant la seconde moitié du siècle aux chiffres de 1987-1989 pour ce qui est de la population mondiale va forcément aider !
J'ai déjà suggéré deux ou trois fois que nous sommes engagés dans une course, entre l'amélioration du sort de l'humanité (qui peut enrayer la bombe démographique, en particulier si les femmes obtiennent leur mot à dire) et la destruction de la biosphère. Si notre prodigieuse débauche énergétique nous achète une prospérité durable, la biosphère aura sa chance de s'en remettre, et l'humanité aura l'occasion d'adopter un mode de vie plus sain...
Le suspense sera insupportable, je le crains... ou plutôt, je l'appréhende.
Libellés : Démographie, Effet de serre, Futurisme, Sciences
2010-01-23
Un glacier sans bouchon
La crête aurait servi autrefois de point d'ancrage à ce glacier, et surtout de bouchon, mais ce n'est plus le cas. Le petit sous-marin a observé que l'extrémité du glacier flottait au-dessus de la crête, ce qui permettait à l'océan de remonter sous le glacier pour en accélérer la fonte — et donc sa course vers la mer... Et le fond marin serait dépourvu sur 250 kilomètres dans la direction des terres émergées de tout autre accident de terrain susceptible d'arrêter le mouvement du glacier qui court à sa perte.
Selon le spécialiste Richard Alley (Pennsylvania State University), les glaciers de Pine Island et de Thwaites pourraient déterminer le sort de l'inlandsis de l'Antarctique occidentale, dont la fonte éventuelle augmenterait le niveau des océans de 3 à 7 mètres.
Les dimensions de ce glacier obscur le distinguent des glaciers de montagne qui sont familiers aux habitants des pays tempérés. Il s'étendrait sur 250 km; son extrémité forme une languette flottante de près de 50 km. Le petit sous-marin britannique a pu naviguer sous cette « languette » sur une distance de près de 510 km au fil des six expéditions qu'il a accomplies. Au-delà de la crête rocheuse en question, l'eau s'infiltre maintenant sous le glacier alors que des photos prises en 1973 suggèrent qu'à cette époque, le glacier pesait de tout son poids sur cette crête, de sorte que le reste de son étendue reposait sur une couche liquide qui n'était pas réchauffée par les courants océaniques. Un équilibre s'était sans doute constitué dans ce milieu fermé entre la fonte et le gel... Maintenant, comme partout ailleurs, la température monte et l'avenir nous dévoilera les conséquences de ce réchauffement...
Libellés : Effet de serre
2010-01-18
Les marges du monde
D'ailleurs, tant que la population continuera d'augmenter et de s'entasser dans des mégalopoles, le risque d'une répétition en plus gros de la catastrophe de Port-au-Prince ira en augmentant, dans toutes les parties du monde où des grandes villes sont menacées par des failles ou des tsunamis... Bref, le futur du monde ressemblera-t-il à l'état actuel d'Haïti, le fruit d'une épouvantable histoire aggravée par les tendances récentes?
Haïti est devenue un des exemples les plus dramatiques des conséquences de la consommation effrénée de ressources et de la surpopulation. (Compte tenu de la démographie actuelle d'Haïti, les naissances d'une année normale suffiraient à remplacer toutes les pertes humaines dues aux tremblements de terre de la dernière semaine, en supposant que ces pertes ne dépassent pas les 230 000 personnes.) Ces deux tendances ont pour résultat un pays fragilisé, qui vit en temps normal sur ses marges de crédit, financières et matérielles.
Et si le futur, c'est aussi le rationnement énergétique, la croissance (ou non) de la population deviendra encore plus cruciale pour déterminer la prospérité des citoyens de l'avenir. Dans un billet antérieur, j'avais voulu donner une petite idée de l'état du monde si on réduisait la consommation énergétique des pays les plus riches aux niveaux préconisés par les scientifiques — ou les consensus politiques. En apparence, le résultat n'était pas aussi déprimant que certains voulaient le faire croire.
Toutefois, j'avais remis à plus tard un calcul supplémentaire, celui du niveau de consommation énergétique si on réduisait non pas la consommation par habitant de 50% d'ici 2050 mais la consommation globale (telle que mesurée sous la forme des rejets de gaz carbonique par habitant attribuables aux combustibles fossiles) en tenant compte de l'augmentation de la population (pour simplifier, parlons d'une augmentation de 50% de la population d'ici 2050). Du coup, une réduction globale de 50% entraînerait une réduction de 66% de la consommation moyenne par habitant par rapport aux chiffres actuels. Les pays qui se situent à 1/3 de la moyenne mondiale actuelle, ce sont Haïti, l'Afghanistan, la Bolivie, le Yémen, l'Albanie, presque tous les pays africains (à quelques exceptions près, comme l'Algérie et l'Égypte), l'Inde, le Bangladesh, le Myanmar et plusieurs autres destinations des moins attrayantes. La Colombie (ainsi que le Congo-Brazzaville, mais sans doute en raison de son industrie pétrolière) est le pays qui se rapproche le plus actuellement de cette consommation moyenne de 2050.... Ceci n'est pas une prédiction, mais un rappel du besoin de développer des sources d'énergie plus vertes.
Quant aux pays riches qui sont appelés à réduire leur consommation de 80%, leur situation est plus compliquée. Dans la plupart des cas, on ne leur prédit pas pour 2050 une augmentation de la population aussi marquée qu'ailleurs — une réduction même, souvent. Mais si leur accroissement démographique était du même ordre, il faudrait que leur consommation baisse non pas à 20% du niveau actuel, mais à 13,3%. Pour le Canada et les États-Unis, il s'agirait de tomber au niveau actuel des émissions de Cuba... Mais les projections de la population française en 2050 annoncent plutôt une augmentation de moins de 5%, ce qui exigerait grosso modo une baisse au niveau actuel des émissions de l'Indonésie.
Si le sort des pays les plus pauvres doit nous préoccuper, ce n'est pas seulement par solidarité humaine, c'est parce qu'il faudra trouver à l'avenir le moyen de vivre aussi économiquement qu'eux sans perdre tous les acquis de notre confort...
Libellés : Effet de serre, Énergie
2010-01-11
Le réchauffement climatique comme on l'aime
Qui sait? Ceci pourrait amener quelques Européens et autres à faire preuve de plus de compréhension pour la population canadienne qui, dans son ensemble, reste sceptique au sujet du réchauffement climatique ou peu encline à consentir des efforts extraordinaires pour le contrer. Non seulement le Canada fait-il partie des rares pays occidentaux à produire des quantités importantes de pétrole et de gaz naturel (exporté, pour l'essentiel), avec tout ce que cela implique comme rejets supplémentaires, mais il est aussi un des pays où le gros de la population ne pâtirait pas vraiment (avant 2100, en tout cas) du réchauffement climatique. Même si je crois que le Canada devrait faire sa part, et même plus, en matière de réduction de GES, je suis aussi d'avis que les critiques européens du Canada font preuve de beaucoup d'hypocrisie quand ils ne tiennent pas compte des différences démographiques, géographiques et économiques...
Au fait, ces quelques jours de « grand froid », ça va coûter combien en consommation supplémentaire de combustibles fossiles?
Libellés : Effet de serre
2009-11-25
Science et consilience
Pourtant, de nombreuses données sont d'ores et déjà mises à la disposition des curieux. Des blogues comme Real Climate ont discuté abondamment des nuances et subtilités de la climatologie. Et les processus internes à la recherche sont déjà bien connus des sociologues et des spécialistes, qui savent bien que s'il existe des garde-fous, c'est justement parce que les scientifiques eux-mêmes ne sont pas des êtres désincarnés et parfaitement désintéressés.
Bref, outre les erreurs d'interprétation relevées par les spécialistes, les autres révélations contenues dans ces courriels et fichiers (une maigre poignée sur l'ensemble) ne m'ont pas particulièrement perturbé. Qu'il reste des points d'ombre (nuages, aérosols, composante solaire du rayonnement cosmique) dans la théorie du réchauffement climatique n'est pas une nouvelle en ce qui me concerne. Il demeure une interrogation relativement à la présentation des données et des résultats, bref, du spin...
Mais en ce qui concerne la science elle-même, la force de la consilience ne m'incline pas à trop balancer. Il y a trop de preuves convergentes pour que discréditer une seule série de données ou de mesures suffise à ébranler l'ensemble de la théorie du réchauffement climatique.
Libellés : Effet de serre, Sciences
2009-09-22
Le monde en 2050
Tout d'abord, en utilisant les données (.XLS) de l'agence même qu'il cite, je n'obtiens pas les mêmes résultats. Peut-être parce que ces données concernent uniquement les émissions de gaz carbonique associées à la production et à la consommation de carburants fossiles. Néanmoins, en 2006, les émissions mondiales par tête étaient de 4,48 tonnes métriques de gaz carbonique selon cette source. Un cinquième de ce niveau correspondrait à 0,896 tonnes et les habitants des pays suivants, en 2006, produisaient moins que ce niveau : Haïti, en effet; l'Afghanistan, ce qui n'est pas plus gai; le Bangladesh; le Bhutan; le Myanmar; le Cambodge; Kiribati; le Laos; le Népal; le Nicaragua; le Pakistan; la Papouaise-Nouvelle-Guinée; le Paraguay; les Philippines; les îles Salomon; Samoa; le Sri Lanka; les îles Turks et Caicos; le Vanuatu; le Yémen; ainsi que tous les pays africains sauf l'Afrique du Sud, l'Algérie, l'Angola, le Botswana, le Congo (Brazzaville), Djibouti, l'Égypte, le Gabon, la Guinée équatoriale, la Libye, le Maroc, la Mauritanie, l'Île Maurice, l'Île Ste-Hélène, la Namibie, les Seychelles, le Swaziland et la Tunisie. Il ne s'agit pas d'une liste particulièrement réjouissante, mais elle n'est pas uniquement peuplée de pays en proie à la misère et à l'anarchie.
Se pourrait-il que Pielke ait utilisé une autre base de données, comme celle-ci des Nations Unies? Mais si les chiffres diffèrent légèrement, les résultats sont les mêmes. Toutefois, il convient de souligner que les émissions de gaz carbonique liées aux carburants fossiles ne constituent qu'une partie des émissions de gaz à effet de serre, même si c'est souvent la plus importante.
Par contre, ce chiffre d'une réduction de 80% du niveau mondial, Pielke le tire un peu de son chapeau. L'objectif actuel du G8 est d'obtenir une réduction d'au moins 50% d'ici 2050. Ceci est réitéré dans la déclaration (.PDF) issue du sommet de 2009, qui dit clairement :
« We recognise the broad scientific view that the increase in global average temperature above pre-industrial levels ought not to exceed 2°C. Because this global challenge can only be met by a global response, we reiterate our willingness to share with all countries the goal of achieving at least a 50% reduction of global emissions by 2050, recognising that this implies that global emissions need to peak as soon as possible and decline thereafter. As part of this, we also support a goal of developed countries reducing emissions of greenhouse gases in aggregate by 80% or more by 2050 compared to 1990 or more recent years. »
Ce sont les pays les plus riches (et donc parmi les plus grands émetteurs) qui sont invités à réduire de 80% leurs émissions par rapport à 1990 ou une année plus récente. Aux États-Unis, on se satisfait volontiers d'une réduction de 80% par rapport à 2005. Le Royaume-Uni vise une réduction de 80% par rapport à 1990. Et je reparlerai du Canada une autre fois...
En reprenant les chiffres de 2006, quels pays se situent donc à 50% de la moyenne mondiale des émissions de gaz carbonique par personne? Du coup, ce sont des pays comme le Brésil, l'Égypte, l'Inde ou l'Indonésie qui passent sous la barre. Donc, pour imaginer la vie en 2050, on n'a pas besoin d'imaginer un monde post-apocalyptique, il n'y a qu'à prendre ces pays en 2006 comme étant l'image possible du futur qui nous attend.
Quant au niveau retenu par les États-Unis, qui est en fait deux fois plus généreux, il dépasse celui de pays comme le Mexique en 2006, le Chili, Cuba, la Turquie, la Lettonie, l'Irak, le Liban ou la Thaïlande. Par contre, le niveau retenu par la Grande-Bretagne serait en fait inférieur à 50% de la moyenne mondiale des émissions par personne de sorte qu'elle rejoindrait les pays susdits : le Brésil en 2006, l'Égypte, l'Inde, etc.
Évidemment, il s'agit uniquement de faire converger les niveaux d'émissions de gaz à effet de serre, et non les niveaux de vie, comme voudraient nous le faire croire les Pielke de ce monde. Les écarts actuels démontrent qu'il est parfaitement possible de jouir de niveaux de vie essentiellement comparables tandis que les émissions diffèrent par un facteur de deux ou trois : ainsi, les émissions canadiennes représentent 2,85 fois celles de la France. Par conséquent, la France n'aurait qu'à réduire ses émissions de 66% par rapport à 2006 pour rejoindre la moyenne mondiale désirée en 2050 tandis que le Canada devrait les réduire de 88%...
Libellés : Effet de serre, Futurisme, Statistiques
2009-09-21
Pas un record, mais...

La comparaison souligne à quel point l'exception est devenue la règle. Comme l'an dernier, il n'y a pas de quoi dormir tranquille. Le minimum enregistré cette année reste le troisième plus petit depuis le début des observations. (En seconde place, celui de l'an dernier. En première place, celui de 2007.) Assiste-t-on à un retour à la normale? Je soupçonne qu'il serait plus juste de parler d'un retour à la tendance, et cette tendance est baissière depuis 1980...
Ceci serait d'ailleurs le meilleur des scénarios, car il y a pire... Dans cet article de mars 2009, Timothy J. Lenton et ses collaborateurs écrivaient :
« In general, a physical system that is approaching a bifurcation point will show characteristic behaviour in the spectral properties of its time-series data (e.g. Lenton et al. 2008). Picture the present state of the system as a ball in a curved potential well (attractor) that is being nudged around by some stochastic noise process, e.g. weather. The ball continually tends to roll back towards the bottom of the well—its lowest potential state—and the rate at which it rolls back is determined by the curvature of the potential well. The radius of the potential well is related to the longest immanent time scale in the system. As the system is forced towards a bifurcation point, the potential well becomes flatter (i.e. the longest immanent time scale increases). Consequently, the ball will roll back more sluggishly. It may also undertake larger excursions for a given nudge. At the bifurcation point, the potential well disappears and the potential becomes flat (i.e. the longest immanent time scale becomes infinite). At this point, the ball is destined to roll off into some other state (i.e. alternative potential well). Potentially useful diagnostics of an approaching bifurcation, in response to, for example, stochastic noise forcing are thus a slowing of the response time to perturbations, which can manifest as a shift to lower frequency variations and/or an increase in the amplitude of variability. »
Si les glaces flottantes de l'Arctique forment un système doté d'un point critique, on peut se poser la question de savoir s'il se comporte comme un système qui s'approche de son point critique, c'est-à-dire de l'endroit où il change de régime. En utilisant les données sur l'étendue saisonnière des banquises de l'Arctique (en millions de kilomètres carrés), j'ai calculé pour chaque année la différence entre les maximum et minimum saisonniers. Cela donne le diagrame suivant, qui donne une idée du changement annuel de superficie des glaces depuis 1979 jusqu'en 2008.

Sans exclure qu'un jour prochain, au débouché d'une période de fluctuations (à la hausse comme à la baisse), le nouveau régime — le plus stable possible, en un sens — soit celui de la disparition complète de la banquise estivale.
Libellés : Effet de serre, Sciences
2009-05-01
Combattre l'effet de serre
Par exemple, il y a myclimate, une organisation internationale qui a débuté en Suisse et qui permet de calculer ses émissions — mais je me demande dans quelle mesure ces calculs tiennent compte de l'impact total d'un mode de transport.
Dans un genre plus ciblé, il y a Climate Friendly, nettement plus axé la vente de crédits de carbone; comme les autres, ses moyens de compensation respectent les stipulations du Clean Development Mechanism ou mécanisme de développement propre prévu par le protocole de Kyoto et reconnu par l'ONU, mais aussi celles de ce qu'on appelle le « Gold Standard » en la matière, qui assortit le MDP de conditions additionnelles.
Au Canada, un seul organisme, Less, permet d'acheter des compensations d'émissions, mais pas en français, apparemment. Par contre, myclimate a un partenaire canadien, Planetair.ca, qui a un site en français. Mais si on lit l'allemand ou l'anglais, le site allemand Atmosfair.de est aussi très bien coté.
Libellés : Effet de serre, Environnement
2009-03-31
Un sommet sur le réchauffement du monde
Les discussions doivent permettre de fixer les paramètres des investigations de quatre groupes qui se pencheront sur les changements climatiques afin de livrer quatre rapports : sur les moyens de limiter l'amplitude des effets du réchauffement à venir, sur l'adaptation aux effets du réchauffement, sur les moyens d'avancer dans notre connaissance de la science du climat et sur la meilleure manière d'informer les politiques et les actions reliées au réchauffement. Ces quatre rapports seront prêts d'ici la fin de l'année et ils alimenteront un rapport final soumis en 2010 aux autorités du pays par l'organisme né de l'association ponctuelle de la NOAA et de la National Academy of Sciences. Rapport qui fera bouger les choses? Nous verrons...
Libellés : Effet de serre, États-Unis