2009-02-02

 

Les cinq règles du professionnel

Elles ne sont pas appréciées de tous, mais les cinq règles de l'écrivain professionnel selon Robert A. Heinlein me semblent énoncer cinq vérités fondamentales de l'écrivain de métier. Je me souviens aussi d'un article où il me semble que Heinlein expliquait qu'en adoptant chaque règle successivement, l'écrivain divise par dix le nombre de ses concurrents, car ceux-ci sont de plus en plus nombreux à renoncer en chemin...

1) « You must write » — il faut écrire. C'est pourtant simple, non? Mais si tous les talents torturés qui affirment vouloir écrire se mettaient à écrire, les officines des revues et des éditeurs ne sauraient plus où donner de la tête. Heureusement, ils sont nombreux à atermoyer, tergiverser, vaciller, hésiter... à remettre au lendemain, à faire des recherches pour en savoir toujours un peu plus, à se réserver les vacances pour écrire, à créer un monde imaginaire avec force cartes et chronologies, etc. sans jamais se résoudre à écrire. Mais il faut bien, un jour ou l'autre, s'y mettre.

2) « You must finish what you write » — il faut finir ce qu'on a commencé. Une autre évidence, non? Mais le syndrome de la page blanche guette, et il y a toujours mille raisons possibles pour s'arrêter en cours de route. Que ce soit bon ou mauvais, il faut savoir suspendre ses propres instincts critiques et mener un projet à bien. Une fois qu'il sera fini, il sera toujours temps de le ranger dans un tiroir, mais, au moins, le projet sera bouclé et on sera libre d'en entamer un autre.

3) « You must not rewrite unless to editorial demand » — il ne faut réviser que si le directeur littéraire l'exige. C'est sans doute la plus controversée des recommandations de Heinlein. Celui-ci avait sans doute assez de talent pour vendre un premier jet. De nos jours, quand on a oublié ce que représentait l'écriture sur une machine à écrire manuelle, on ne se rend pas compte de ce que signifiait corriger un texte dactylographié, ou retaper un texte au complet! À mon point de vue, Heinlein ne rejetait pas les corrections et révisions en cours de route, mais plutôt les dangers du perfectionnisme à outrance qui pousse un auteur à réviser indéfiniment un texte achevé. Une fois le texte terminé, il faut savoir laisser les directeurs littéraires juger de son mérite, ou plutôt de son adéquation à leurs besoins. (Une nuance que les débutants perdent parfois de vue.)

4) « You must mail your story to an editor who will pay you money » — il faut soumettre son texte à un éditeur payant. Cela peut sembler mercenaire, mais c'est quand même l'impératif premier de l'écrivain professionnel : gagner assez d'argent pour lui permettre de continuer à écrire dans un certain confort. À cette fin, le professionnel ne peut pas se permettre de gaspiller des textes sur des supports éditoriaux qui ne paient pas.

5) « You must keep it in the mail until someone buys it » — il faut continuer à soumettre un texte tant et aussi longtemps qu'il n'aura pas été acheté. Dans une certaine mesure, ceci révèle un univers éditorial presque disparu, au temps d'avant la télévision, quand la lecture demeurait un passe-temps populaire. Par conséquent, les possibilités de publication payante (même en science-fiction!) étaient nombreuses. Néanmoins, la leçon qu'on peut toujours en tirer aujourd'hui, c'est qu'il ne faut pas se décourager trop vite.

Oui, on peut se faire publier sur internet en deux temps trois mouvements, mais, quand on ne paie aucune pénalité pour avoir mis en-ligne des banalités parce que ni les éditeurs ni les directeurs littéraires ni les auteurs ne sont payés, cela signifie que tout et n'importe quoi aboutit sur internet. Ce qui peut décourager les lecteurs potentiels, plus ou moins vite. Le même raisonnement s'applique à l'auto-publication ou à l'édition à compte d'auteur.

En abandonnant trop vite la voie payante, on renonce à la discipline imposée aux professionnels (de l'éditeur à l'auteur) par les exigences du marché. Au bout du compte, c'est quand même tout ce qui peut obliger l'auteur à corriger le tir et à augmenter ses chances de se faire publier sur papier, ce qui reste (les cas exceptionnels à part) le meilleur moyen potentiel de rejoindre un lectorat.

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